vendredi 9 avril 2010

Paquebot "La Marseillaise"

Un aspect de la coque du paquebot Maréchal-Pétain
des Messageries maritimes
sur les chantiers de La Ciotat
(collection
Agence Adhémar)

Le 24 octobre 1942 paraissait dans L'Illustration, un article de Jean Clair-Guyot sur le chantier du paquebot Maréchal-Pétain, à La Ciotat. Il sera lancé pour les Messageries maritimes le 8 juin 1944 mais ne sera mis en service, après bien des péripéties, que le 30 juin 1949 sous le nom de La Marseillaise.

Voici une partie de l'article (nous tenons à votre disposition l'intégralité de l'article, à demander à l'Agence Adhémar qui se fera un plaisir de vous l'envoyer gracieusement par courriel):

«Un des premiers actes de l'amiral Darlan à son arrivée au poste qu'il occupe dans le gouvernement a été d'examiner la situation de notre marine marchande et d'étudier les moyens de remédier aux pertes de tonnage, ce qui le déterminer à reprendre ou à encourager la mise en de nouveaux paquebots et de cargos, dont les unités se trouveront prêtes à prendre la mer dès la fin des hostilités mondiales.

Aspect général du chantier

La construction d'un grand paquebot moderne représente un effort comparable à celui que nécessiterait l'édification rapide d'une petite ville. […] sans négliger de prévoir leurs divertissements ni les précautions sanitaires ou de sécurité […] Un très grand nombre de corps de métier sont appelés à travailler à la construction et à l'aménagement de cette cité modèle qu'est un paquebot. Pendant que des équipes d'ouvriers édifient le gros-œuvre de la coque avec ses entreponts et ses superstructures, des artistes et des artisans doivent concevoir, adapter puis exécuter la décoration et l'organisation matérielle des dépendances multiples du bâtiment. […] Nous avons ici même signalé le lancement du paquebot Kairouan destiné aux lignes de l'Afrique du Nord, effectué le 17 janvier dernier à La Seyne pour le compte de la compagnie de Navigation mixte (CNM). Aujourd'hui, nous allons entretenir nos lecteurs d'un autre centre de l'activité maritime française, La Ciotat, où se poursuit la construction d'un paquebot plus grand que le Kairouan. Ce nouveau bâtiment portera le nom prestigieux de Maréchal-Pétain. Deux importantes sociétés collaborent à sa construction : les Messageries maritimes, qui ont commandé le navire, et les chantiers navals de La Ciotat, qui le construisent. […]
Le 2 décembre 1940, on recommençait à travailler à cette nouvelle unité, dont les caractéristiques principales sont : longueur hors tout : 181 mètres ; largeur au fort : 23 mètres ; jauge brute : 15.500 tonneaux ; le tonnage du nouveau navire peut paraître faible, à côté des 83423 tonneaux du Normandie, mais il représente les dimensions maxima permises par les conditions de la ligne à desservir; il s'agit, ne l'oublions pas, d'un bâtiment destiné au trafic d'Extrême-Orient et qui devra pouvoir remonter la rivière de Saïgon. Tel quel, le paquebot Maréchal-Pétain se comparera avantageusement, dans tous les domaines, avec les unités étrangères affectées aux services entre l'Europe et l'Extrême-Orient. Tout a été minutieusement étudié pour que la coque et les aménagements du nouveau paquebot réunissent les perfectionnements les plus modernes et en innovent quelques-uns. Dans la construction de la coque, la soudure est substituée au rivetage dans toute la mesure possible et il est fait un très large appel aux aciers à haute résistance, ce qui entraîne un allégement sensible dans le poids des matériaux.

Pose des garnitures d'écubier

Les formes de la coque et de l'étrave ont fait l'objet de recherches très poussées et de nombreux essais sur des modèles réduits au bassin des carènes. L'avant est à guibre, comme le sont les étraves de la plupart des bâtiments de guerre et de commerce récents. Les superstructures ont été tracées de façon à diminuer la résistance au vent : la passerelle a une forme arrondie et la cheminée, un profil aérodynamique. La plage avant est entièrement dégagée de tous apparaux : lignes de mouillage, guindeaux et cabestans sont installés sous une carapace en dos de tortue que termine un brise-lames, suivant l'heureuse formule adoptée pour la première fois à bord du paquebot Normandie.
Le navire comporte cinq ponts complets, plus un pont-promenade et le pont des embarcations.
Trois moteurs à combustion interne de onze cylindres du type Diesel-Sulzer et d'une puissance totale de 31 000 CV actionnent chacun une hélice. La vitesse prévue est de 22 nœuds aux essais.
Le Maréchal-Pétain, bien qu'il dérive très directement de la série Aramis, Félix-Roussel, qui l'a immédiatement précédé, sera de beaucoup plus rapide que ces derniers, qui soutiennent seulement 16 noeuds. Grâce à lui, la durée de la traversée Marseille-Saïgon, qui s'effectuera à 20,5 noeuds de moyenne, sera réduite de plusieurs jours.

Le villebrequin géant d'un des moteurs de 11 cylindres, 10000 CV.

Tous les services du bord sont mus par une centrale électrique comprenant quatre groupes diesel entraînant quatre alternateurs de 950 kilowatts chacun. Au lieu du courant continu, on utilise le courant alternatif, innovation tout à fait intéressante qu'il convient de souligner.
Il n'existera à bord du Maréchal-Pétain que deux classes de passagers de cabine : les premières classes et la classe touriste : au total, trois cent soixante-quatorze passagers, qui se partageront cent quatre-vingt-sept cabines. Toutes les cabines des premières classes seront extérieures et certaines auront même un balcon particulier donnant sur la mer. […] La salle à manger des premières est située au centre du navire, sur un pont assez bas pour que les effets du roulis et dit tangage soient peu sensibles. De même que les autres locaux " communs ", elle sera climatisée.

Les échafaudages et échelles qui permettent d'accéder aux différents ponts

[…] Aussitôt la porte des chantiers franchie, l'attention du visiteur est attirée par la variété du spectacle qui s'offre à lui. Trois mille hommes, ingénieurs, contremaîtres et ouvriers, sont là, rassemblés sur quelques hectares, pour parfaire un des éléments nouveaux de notre richesse nationale et prouver que " la France continue ". Mais ce qui attire davantage la curiosité, c'est la masse de la coque qui domine le chantier et qui se profile sur le ciel dans un enchevêtrement d'échafaudages. […] " Environ cinq cents ouvriers, précise l'ingénieur qui nous guide, travaillent quotidiennement à l'achèvement de cette coque. "
Nous reviendrons plus tard sur la décoration du paquebot Maréchal-Pétain, qui s'exécute sous la direction du maître Leleu. Disons seulement qu'elle témoignera de ce retour au travail artisanal si longtemps négligé, mais dont la qualité était autrefois une des forces de notre pays. On n'y trouvera ni désir d'éblouir ni désir d'étonner, mais seulement la marque du bon goût et du bon sens de nos ferronniers, de nos céramistes, de nos ébénistes. Dessinateurs et canuts lyonnais donneront libre cours à leur fantaisie, et partout à bord les harmonies des tissus seront douces et chantantes comme on sait les établir en France. Et ainsi achevé, grâce au labeur quotidien et persévérant de toute une foule de travailleurs, le paquebot Maréchal-Pétain sera digne du nom glorieux inscrit en lettres d'or sur ses flancs ; grâce à lui, la résurrection française, dont le Maréchal aura été l'illustre artisan, s'affirmera sur les océans.»



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