«Ah! les gredins, dit le vieux quartier-maître, ils nous abandonnent. Eh bien! sauvons-nous sans eux, à l'ouvrage les, les enfants, et vivement faisons un radeau et tâchons de nous en tirer.»
La corvette La Gracieuse voguait sur l’océan. Elle disparaît dans les abîmes de l'océan. Un vieux contre-maître, trop occupé à combattre les voies d’eau en fond de cale pour entendre l'ordre d’évacuation du navire, embarque sur un radeau de fortune avec une douzaine de matelots.«Ils rencontrent enfin un ruisseau, tous, avec des cris de joie, s’y précipitent et boivent longuement, on dirait qu’ils ne peuvent parvenir à se désaltérer.»
«Battus par la tempête, couverts à chaque instant par les vagues qui leur enlevaient une partie de ce qu’ils avaient pu sauver ; sans aviron, sans boussole, ne sachant même pas où ils se trouvaient, ils allaient au caprice des vents, sous le regard de Dieu.» La tempête se calme, mais ils endurent la faim et la soif. «Pour ajouter à leurs angoisses, d’énormes requins suivaient le bateau, semblant guetter une proie qui ne pouvait se faire longtemps attendre. Après bien des heures de souffrance, ils découvrirent la terre, il leur fallut des efforts inouïs pour diriger leur radeau, enfin, ils vinrent échouer sur une plage de sable où ils tombèrent tous à genoux pour remercier Dieu de leur délivrance.» Ce n’était pourtant pas la fin de leurs ennuis.
«Les pauvres marins étaient brisés de fatigue, il fut décidé comme on avait tout à craindre sur cette terre inconnue, que pendant le repos, une sentinelle relevée d’heure en heure, veillerait sur ses camarades. Rien d'inquiétant n’était venu troubler leur sommeil, mais le soleil couché, ils furent réveillés par des rugissements terribles venant de tous les côtés à la fois»
Le vieux maître, qu’ils avaient désigné comme chef, leur dit : «Mes enfants, il faut m'écouter sinon, avant une heure et malgré nos fusils, nous serons tous dévorés par les lions et les tigres… prenez des haches , coupez du bois tant que vous pourrez, il nous faut faire de grands feux toute la nuit car les bêtes féroces en ont une grande peur. C’est ainsi que les Indiens les éloignent de leurs campements.»
Les marins à la recherche d'approvisionnement rencontrent «des arbres couverts de singes , il y en avait des centaines, de toutes grosseurs… Ces singes paraissaient se régaler avidement de très beaux fruits qui se trouvaient à la cime des arbres» Les marins voulaient tirer sur les animaux pour ne pas avoir à leur disputer la nourriture si proche. «C’est un mauvais moyen dit le vieux chef, vous allez voir qu’ils vont nous épargner toute peine.» Disant cela, il prit une pierre qu’il lança au milieu des arbres, aussitôt les singes se mirent à leur renvoyer avec une grande adresse une véritable grêle de fruits qu’ils n'eurent plus qu'à ramasser.
Plus tard, ils entendirent des beuglements et un formidable rugissement. A deux cents pas d’eux, un lion colossal venait de bondir au milieu d'un troupeau de buffles. Il fuyait maintenant emportant dans sa puissante gueule un jeune veau qui ne paraissait pas le gêner plus qu'une souris dans la gueule d’un chat. Mais la mère buffle le poursuivit, les naseaux au sol, les cornes en avant. Elle atteignit le lion, le lança en l’air et au moment où il retombait, acheva de l’éventrer et le piétina avec fureur. La mère alla ensuite à son veau et se mit à le lécher en poussant de petits mugissements de joie.
«Tout cela est bien beau et très touchant, dit le vieux chef, mais il nous faut à manger ; le lion est un mauvais régal, mettons la sensibilité de côté ; c’est une brave bête que cette mère, mais nécessité fait loi, allons les enfants, visez bien et… feu»A suivre…
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