Le vapeur Keraudren devant l'hôpital de Saint-Mandrier. (Collection agence Adhémar) |
«Pendant longtemps, des embarcations armées par une douzaine de condamnés et pilotées par un patron souvent ivre, assurèrent la traversée de la rade, soit mille six cents mètres, au plus court. La traversée durait environ une heure, sans aucun confort et à la merci de tous les aléas imaginables. Ne raconte-t-on pas ces histoires de naufrages et ces expéditions durant lesquelles un équipage révolté débarquait en presqu’île de Giens après avoir jeté à la mer les autres passagers ? À partir de 1862, la situation avait été améliorée par la mise en service de petits bateaux à vapeur dont le plus célèbre fut le Kéraudren, baptisé du nom du premier inspecteur général du service de santé de la Marine du XIXe siècle. Cette navette fonctionnait dans la journée mais, la nuit, le problème demeurait : c’est ainsi qu’en 1934, quelques mois avant la fermeture de l’hôpital, le médecin de 2e classe Jean Brisou, qui suivait alors les cours de l’école d’application, eut une des peurs de sa vie en traversant la rade, par ce moyen rudimentaire et nuitamment, pour évacuer un malade de psychiatrie sur l’hôpital Sainte-Anne ; le problème ne venait plus des rameurs, les bagnards ayant disparu, mais bien du patient aux réactions imprévisibles.
Tout au long de la seconde moitié du XIXe siècle et au début du XXe, l’hôpital de Saint-Mandrier continua à rendre d’éminents services. Il accueillit les blessés de la guerre de 1870 et ceux des catastrophes maritimes comme l’explosion de la Revanche en 1877, du Iéna en 1905, du Liberté en 1911 (Keraudren transportera le président Fallières sur les lieux du drame). Dès les débuts de la Première Guerre mondiale, les victimes affluèrent, nécessitant l’ouverture de nombreux établissements annexes. C’est ainsi qu’arrivèrent, en 1916, quelques soldats serbes évacués de Salonique, tandis que le gros des malades et blessés de ce pays partait vers la Tunisie et Sidi-Abdallah, dont l’hôpital maritime avait été établi en 1905, non loin de l’arsenal, au fond du lac de Bizerte.
Mais, dès 1910, un nouvel édifice, moderne et pavillonnaire, avait vu le jour sur les pentes du mont Faron, dans le quartier de Sainte-Anne. Il était destiné à remplacer, enfin !, l’établissement vétuste du centre ville. Agrandi en 1932, l’hôpital Sainte-Anne avait bientôt la capacité d’accueillir les patients de celui qui restait isolé sur sa presqu’île. Le 20 juin 1935, empruntant le Kéraudren et des autos-ambulances, les derniers malades quittèrent le vieil hôpital de Saint-Mandrier. Cet édifice, réaménagé pour les besoins de la cause, recevait alors le Groupe des écoles des mécaniciens de la Marine.»
Le Keraudren continuera à transporter les élèves mécaniciens comme il l'avait fait des malades à travers la baie jusqu'à sa mise à la réforme en 1939 et à son remplacement par deux bâtiments de 27 mètres, le Pipady et le Cavalas.
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