Le croiseur-école Jeanne d'Arc en 1962
Voici un évènement de la vie de ce navire dans lequel les élèves officiers de la marine ont vu leur commandant leur donner un parfait exemple de travaux pratiques de navigation.
Nous sommes au cours de la croisière annuelle 1962-1963 de la Jeanne d'Arc. Premier incident; la Jeanne d'Arc perd une hélice après la rupture de l'arbre, alors qu’après avoir passé le canal de Panama elle se dirige vers le Pérou. Suite à cet incident, elle fait demi-tour en direction de Balboa où elle est mise au bassin du 18 au 20 décembre 1962 pour examiner l'avarie et voir comment y remédier. Une hélice de rechange existe à Brest et une ébauche d'arbre doit être usinée pour s'adapter à la partie restante de l'arbre. Les pièces étant commandées en France, la Jeanne d'Arc reprend sa campagne sur une seule hélice.
Notre éclopée n'est pas au bout de ses peines. Le 4 février 1963, toujours sur une seule hélice, la Jeanne d'Arc rencontre du très mauvais temps dans le Pacifique, elle donne à peine 4 nœuds sur le fond, lorsque le personnel de quart aperçoit droit devant de grosses lames déferlantes juste après une zone de calme relatif, trois lames de 15 à 20 mètres de haut, séparées d'une centaine de mètres, verticales, elles arrivent à la rencontre du croiseur. Au cours du franchissement les plages avant et arrières sont successivement submergées, la mer recouvre les passavants du premier pont, l'eau atteignant au moment du roulis extrême le haut des cloisons. La gite atteint 35°. Tout le monde à ressenti à bord ce phénomène du certainement à une éruption sous-marine. Les élèves ont surnommé cet incident "les trois glorieuses".
Le commandant dans une séance de travaux pratiques impromptue explique comment il a affronté ces vagues tout en protégeant le navire, qui rappelons-le ne disposait que d'une seule hélice, qu'il fallait donc absolument protéger. Il met deux quarts tribord pour affronter la première lame sans se présenter de face, afin d'éviter un choc trop violent qui aurait pu causer des avaries, la gite sera alors de 30°. La premier lame passée, la barre est portée à droite pour éviter de se trouver en travers de la houle. La Jeanne est a nouveau couchée sur bâbord par la deuxième lame après avoir eu juste le temps de se redresser suite au passage de la première, la gite sera alors de 35°, (le maximum au-delà duquel il y a risque de chavirage est d'environ 40°). La troisième sera franchie dans les mêmes conditions, la durée totale du franchissement des lames est de 30 secondes environ mais cela a dû paraitre long au commandant! Le phénomène est exceptionnel par la hauteur des lames de 15 à 20 mètres, le faible écart entre deux lames successives, la direction du train faisant un écart de 20 à 30° avec la direction générale de la houle, la grande vitesse de propagation du train de lames (20 nœuds environ), la forme des lames abruptes, la Jeanne a du affronter trois véritables murs d'eau qui se succédaient. Le Victor Schoelcher qui naviguait à la cape deux miles en arrière de la Jeanne d'Arc et n'a pas eu à affronter le train de lames, l'a vu disparaitre à trois reprises.
Voici une leçon de navigation dont les futurs officiers se souviendront longtemps.
Alain
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