vendredi 7 juin 2013

Retour en Afrique par la Black Star Line

Sur ce timbre émis par la poste des îles Turks-et-Caïcos (Antilles), on célèbre, au nom des droits de l'homme, le chantre du retour en Afrique pour les noirs américains. En fond, un cargo de la compagnie Black Star Line qu'il fonda. collection agence Adhémar 
En costume de commandant
de l'Universal African legion.
Marcus Garvey est né en 1887 à la Jamaïque. Il émigra aux USA en 1916. Il y fonda l'UNIA (Universel Negro Improvement Association) qui préconisait le retour des noirs en Afrique (Back to Africa). Il édita à New York le Negro World publié en plusieurs langues dont le français. 
Le 23 juin 1919, il créait la Black Star Line Steamship, compagnie maritime enregistrée dans l'État du Delaware. D'autres entreprises suivirent.
Propriétaire de trois cargos, la Black Star Line n'avait pas pour unique objectif de permettre le rapatriement des noirs américains vers l'Afrique. «Pour l'UNIA le but de cette entreprise était avant tout de démontrer les capacités d'entrepreneurs et d'armateurs des noirs.»

La capitalisation d'origine de la Black Star Line se montait à 500000 dollars en actions de 5 dollars entièrement souscrites par les sympathisants du mouvement Back to Africa. 
Marcus Garvey effraya une partie de la bourgeoisie américaine qui ne le voyait pas d'un très bon œil. Il eut aussi des détracteurs au sein même de sa communauté qui pensaient qu'une cœxistence était possible avec les blancs aux USA. Le président de l'UNIA précisa sa position en ces termes: « …nous voulons une Afrique africaine. Nous n'avons nullement l'intention de renvoyer tous les noirs en Afrique.... Ceux d'entre nous qui quittent les USA pour s'établir en Afrique seront des pionniers...»
Marcus Garvey se tourna alors vers le Libéria, état noir indépendant de la côte ouest de l'Afrique, créé en 1847 avec l'aide des USA. En 1921, l'UNIA installe une délégation pour servir « d'ambassade» aux colons désireux de s'installer avec le soutien du président libérien C.B.D King.
Beaucoup de contraintes, des trahisons, des sabotages mirent la Black Star Line en difficulté mais le manque de cadres et d'officiers noirs fut une des principale raison de la chute de la compagnie.
La Black Star Line Steamship fut contrainte à la faillite en 1922 et les autorités fédérales commencèrent à s'intéresser aux conditions de la banqueroute. Marcus Garvey et à ses compagnons seront condamnés pour fraude. En 1925, Marcus Garvey est emprisonné au pénitencier fédéral d'Atlanta mais, gracié par le président Collidge, il est expulsé à la Jamaïque. Là, Il bouleverse la vie politique de l'île où il n'est pas le seul activiste, son ami Leonard Percival Hohell le soutient, persuadé que l'Afrique trouvera un homme providentiel. Marcus Garvey prononça un discours en 1927 qui marqua le début du mouvement rasta, déclarant : «regardez vers l'Afrique où un roi noir doit être couronné». ce fut Helie Selassie I, roi d'Éthiopie (le Négus). 
Marcus Garvey mourut à Londres en 1940.


The Black Star Line, an all-black shipping company chartered by the UNIA, was the movement’s boldest and most important project, and many African Americans bought shares of stock in the company.
La compagnie de navigation Black Star Line Steamship – qui n'eut jamais de quatre cheminées – devait avoir quatre navires. On trouve trace des trois premiers mais le dernier s'est évaporé dans la comptabilité nébuleuse de la compagnie. Voici ce qu'écrit le grand intellectuel et militant noir W. E. B. Du Bois de la plus grande aventure économique de Marcus Garvey.
SS Yarmouth à quai au Harlem Pier, visité par les membres de l'Unia.
«The SS Yarmouth is entered at full value and at an organization expense of $289,066. The Yarmouth made three trips to the West Indies in three years. It was then docked for repairs. This bill was apparently not paid. . . . [For in December 1921] the first boat of the Black Star Line . . . was sold by U. S. Marshall . . . for $1,625.»
SS Yarmouth était un cargo charbonnier durant la Première Guerre mondiale. Il était en mauvais état quand Marcus Garvey l'a acheté. Pourtant, ce premier bateau de la Black Star (appelée ainsi à l'imitation de la White Star Line avec qui elle voulait rivaliser!) a déclenché l'enthousiasme de la communauté noire divisée à propos du Retour en Afrique. 
«SS Yarmouth a été acheté 289066 dollars. Il ne fit que trois voyages en trois ans pas plus loin que les Antilles puis resta en chantier. En décembre 1921, factures de réparation non payées, il fut saisi par l'US Marshall qui  le vendit… 1625 dollars.» 
SS Yarmouth n'eut donc pas le temps de s'appeler SS Frederick Douglass, du nom d'un esclave américain qui écrivit des mémoires comme le souhaitait la compagnie Black Star Line.


Kanawha II, ce yacht prit le nom de SS Antonio Maceo pour la Black Star Line.
SS Kanawha II était un luxueux yacht de 61 mètres et 471 tonnes, servi par un équipage de 39 hommes il filait plus de 22 nœuds, construit en 1899 par Consolidated Shipbuilding sur un de ses chantiers du Bronx à New York, pour le compte d'un des magnats du Standard Oil Trust, Henry H. Rogers, par ailleurs "philanthrope secret", c'est-à-dire soutient discret de la cause noire. 

USS Piqua à Lorient en 1918, grand pavois pour fêter la victoire et tenue de camouflage conservée. USS Piqua (SP-130) Dressed with flags on 4 July 1918, as flagship of the U.S. District Commander at Lorient, France. Note her pattern camouflage.

Le yacht servit pendant la Première Guerre mondiale dans l'US Navy sous le nom de USS Piqua (SP-130), ce qui lui permit de découvrir les ports français. Après la guerre, il est vendu, en très mauvais état, à la Black Star Line.
Kanawha II, renamed by the Black Star Line the SS Antonio Maceo… was listed in the Black Star report as worth $75,359. Garvey swore that he paid $60,000 for it. It was apparently bought to do a small carrying trade between the West Indian Islands. Garvey testified [in court] «She left New York about Easter time 1921 and sailed for Cuba and the West Indies. She broke down between Cuba and the Virginia Coast and we had to tow her back to New York. We had to spend seventy or eighty thousand dollars on that boat.» The Negro World announced that this boat “arrived in Cuba in a blaze of glory, April 16.” 
«Bien que Garvey ait juré l'avoir payé 60000 dollars, SS Kanawha II  apparaît dans les comptes de la compagnie pour 75359 dollars. Il semble qu'il n'ait fait que de courts voyages vers les Antilles sous le nom de SS Antonio Maceo. Garvey témoigna qu'il tomba en panne entre Cuba et la côte de Virginie et qu'il fut remorqué jusqu'à New york pour des réparations qui coutèrent très cher. Pourtant son journal, Negro World, affirma qu'il était arrivé à Cuba dans toute sa gloire le 21 avril 1921.» 
[But] according to the New York Evening World, the boat was held up in Cuba because of boiler troubles, although several thousand dollars had been recently spent on new boilers. Finally she was tied up in Santiago de Cuba and the United States Government brought the crew back. The boat itself has never reappeared.
«Pourtant, d'après le New York Evening World, le SS Antonio Maceo est resté à Cuba à cause de problème de chaudière, chaudière qui avait pourtant été changée peu avant pour plusieurs milliers de dollars. Le navire est resté à quai à Santiago de Cuba et son équipage a été rapatrié par le gouvernement américain… On n'est plus jamais de nouvelles de ce yacht ! ». 

Le SS Shadyside, peu crédible pour un retour en Afrique, ne sifla qu'un seul été pour des familles noires en excursion autour de New York.
The SS Shadyside was listed by the Black Star Line as worth $35,000. It did a small excursion business up the Hudson during one summer. In March, 1921, the Shadyside lay on the beach beside North River at the foot of 157th Street and was in a hopeless condition, quite beyond repair.
Acquis en 1920, le troisième navire de la Black Star Line, SS Shadyside, construit en 1873, n'était qu'un petit bateau d'excursion sur l'Hudson. Il coûta 35000 dollars à la compagnie et ne servit qu'un été à des croisières pour nulle part (“cruise to nowhere”). En mars 1921, victime de la tempête (ou d'un sabotage, Garvey dixit), il s'échoue sur une plage de la North River, au niveau de la 157e rue où il serait encore (March 8, 2012 by Harlem World Magazine).


The three first boats of the Garvey fleet disappeared and if the Black Star’s own figures and Mr. Garvey’s statements of losses are true, this involves a total disappearance of at least $630,000 of the hard-earned savings of colored folk.
Les trois navires de la flotte de Garvey ne firent pas de longues carrières et si on en croit les chiffres donnés par le patron de la Black Star Line lui-même «ce sont pas moins de 630000 dollars chèrement économisés par des gens de couleur» qui furent perdus. Mais les belles histoires ne se finissent pas comme ça. Un quatrième bateau (fantôme) fit son apparition dans le propagande de Garvey, le Phillis Wheatley, du nom de la première poétesse afro-américaine à avoir été publiée.
On Sunday night, April 10, according to the Negro World of April 16, 1921: "Unexpectedly, like a bolt of lightening, came the announcement at Liberty Hall tonight that the Black Star Line Steamship Corporation expected by May 1, next, to float the Phyllis Wheatley, its latest addition to the corporation’s line of steamships to engage in transportation between this country and Africa. The news was hailed with wild expressions of joy and delight by the immense audience that filled the great hall. The ship was said to carry 4,500 tons of cargo and 2,000 passengers, was equipped with electric lights, fans, music and smoking rooms and refrigerating machinery."
Beginning in April and continuing for seven or more months, there appeared advertisements announcing “passengers and freight” for the West Indies and West Africa by the S. S. Phyllis Wheatley, “sailing on or about April 25” or without definite date. Many persisted in demanding to be shown the ships, but was told daily that they could see the ships “tomorrow,” and “later,” but “tomorrow” never came. . . .
Le Negro World du 16 avril 1921 écrit que le dimanche 10 au soir «tel un éclair imprévu, au Liberty hall, l'annonce est tombée que la Black Star Line allait lancer le 1er mai, le Phillis Wheatley, dernier-né de sa flotte pour le transport vers l'Afrique. La nouvelle déclencha des  délires d'applaudissements joyeux dans le grand hall rempli à craquer… Le navire sera capable de transporter 4500 tonnes de marchandises et 2000 passagers et sera équipé de tout le confort moderne… » Pendant les sept mois suivants, des publicités annoncent le départ imminent du Phillis Wheatley pour les Antilles et la côte ouest de l'Afrique. A la demande de beaucoup pour une date précise, la réponse est demain ou plus tard… et demain n'arriva jamais !
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Timbres commémoratifs de la création de la Black Star Line du Ghana en 1957. collection agence Adhémar 
Ne pas confondre la compagnie de Marcus Garvey avec la compagnie d'Etat Black Star Line du Ghana qui fut lancée en 1957 (voir ci-dessus). Même si la filiation idéologique entre Marcus Garvey et le président Kwame Nkruma, est évidente et le choix du nom de la compagnie rien de moins qu'anodin.
Marcus Garvey's company is not to be confused with the Black Star Line, the state shipping corporation of Ghana.


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