vendredi 12 juillet 2013

En passant par la forme Joubert… 27 mars 1942: Elle est la cible des commandos de l'opération "Chariot"

Nous avons déjà parlé de la La forme Joubert, (cliquez ici). 
Cette forme de radoub située dans le port de Saint-Nazaire,  fait également office d'écluse donnant accès au bassin de Penhoët depuis l'estuaire de la Loire.


La forme Joubert de Saint-Nazaire vue du ciel en 1942.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle acquiert une importante stratégique considérable dans la lutte que livraient les marines alliées à la Kriegsmarine.
Depuis 1939, la Bataille de l'Atlantique mobilise de nombreuses unités navales . En 1941, le cuirassé Bismarck avait semé la terreur dans l'Atlantique Nord, coulant le HMS Hood mais les Alliés étaient parvenus à le couler avant qu'il ne rejoigne le port de Brest, au prix d'une mobilisation de toutes leurs forces.

Sister-ship du Bismarck, Tirpitz est stationné en Norvège. Les alliés craignent qu'il ne soit envoyé dans l'Atlantique, pour réduire les lignes d'approvisionnement britanniques. 
Le port de Saint-Nazaire revêt une importance toute particulière car la forme Joubert est le seul bassin de la façade Atlantique dans lequel le Tirpitz peut être réparé.
Winston Churchill pense que sans cet atout, la Kriegsmarine ne se risquera pas à envoyer le Tirpitz en Atlantique.
Début 1942, le Premier ministre demande à Lord Mounbatten et ses commandos des Opérations combinées d'attaquer Saint-Nazaire avec l'objectif de neutraliser la forme Joubert.
Cible de l'opération Charlot, à droite, Normandie Dock (la forme Joubert). La terreur de Churchill est que les gros cuirassés allemands du type Tirpitz rejoignent l'Atlantique et fassent un carnage dans les convois. Le souvenir de l'opération contre le Bismark n'a pas été oublié. Et le seul port de l'atlantique, capable de recevoir en radoub un bateau comme le Tirpitz, est Saint-Nazaire qui dispose de la forme écluse Joubert. Elle a accueilli le Normandie. Il faut neutraliser cette forme ! 


Le plan de l'opération Chariot est simple mais un peu désespéré si l'on prend en compte que Saint-Nazaire est l'un des ports les plus protégés et fortifiés de l'Atlantique. Il suffira qu'une flottille de vedettes à faible tirant d'eau franchisse de nuit et à vive allure l’estuaire de la Loire sous le couvert d'un raid aérien de la Royal Air Force… qu'un bateau chargé d'explosif soit amené jusqu'à l'écluse-caisson de la forme Joubert et que des équipes de commandos débarquées de ce navire et des vedettes attaquent et détruisent 24 objectifs différents…
 USS Buchanan de l'US Navy à Panama en 1936. Construit par le chantier naval Bath Iron Works dans le Maine, c'est un destroyer de la classe Wickes. Il est lancé le 2 janvier 1919 et entre dans la Navy le 20 janvier. Il est placé dans la flotte de réserve en 1939. C'est l'un des 50 destroyers fournis à la Royal Navy selon les accords du Destroyers for Bases Agreement connut sous le nom de classe Town. Il est transféré le 3 septembre 1940 et arrive à Halifax (Canada) le 9 septembre. Il fait la traversée entre Halifax et Plymouth en passant par St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador). Il arrive aux chantiers de Devonport le 29 septembre pour des modifications nécessaires à son intégration dans la Royal Navy.
C'est l'ancien USS Buchanan de l'US Navy, devenu HMS Campbeltown, qui sera choisi par la Royal Navy pour servir de bélier. On le maquille pour qu'il ressemble à un destroyer allemand de la classe Möwe et on lui enlève tous ses équipements superflus pour diminuer son tirant d'eau. Son armement est limité à un canon de 76 mm et à 8 canons Oerlikon de 20 mm. Une charge explosive, composée de 24 grenades sous-marines de type mark VII placées dans des réservoirs d'acier et de béton, est installée à l'arrière du canon pour saborder le navire après qu'il aura défoncer le caisson. Le Campbeltown, commandé par le lieutenant-commander S. H. Beattie, avait un équipage réduit à 75 hommes.
Le 26 mars 1942, la flotte, composée d'un destroyer, 16 vedettes, une canonnière et une vedette lance-torpilles, quitte Falmouth. Elle est escortée par les destroyers HMS Tynedale et HMS Atherstone jusqu'au large de Saint-Nazaire.
27 mars 1942 22h15 : les deux destroyers d'escorte s'éloignent, la flottille entre dans le chenal de la Loire. 23h00 : amorçage des explosifs. 23h20 : petit bombardement par la Royal Air Force qui manque de visibilité.
28 mars 1942 01h15 : des postes côtiers signalent la flotte en approche.
01h20 : la flotte passe devant Villès-Martin, à trois miles de l'objectif. Des documents de la Kriegsmarine permettent de se faire identifier comme bateaux allemands. 01h27 : la supercherie est découverte, le Campbeltown affale le pavillon allemand et hisse les couleurs britanniques. Les batteries allemandes ouvrent le feu. 




HMS Campbeltown encastré dans la porte de la forme Joubert.
01h34 : le Campbeltown s'écrase sur la porte de la forme Joubert. Les commandos entrent en action. La station de pompage est détruite, ainsi que certains treuils d'ouverture de la porte. 10h30 : les explosifs du Campbeltown explosent. La porte du dock est projetée hors de son rail, et de nombreux soldats allemands venus observer le bateau sont tués.


Le 27 mars 1942, en début de matinée, les soldats allemands se pressent autour de l’épave du destroyer anglais Campbeltown, encastrée dans la porte aval de la forme Joubert. Les malheureux ne savent pas que l’étrave est pleine de cinq tonnes de dynamite, noyées dans le béton. Ils seront cent cinquante à mourir pulvérisés, soit presque autant que les héroïques commandos britanniques ayant accepté cette mission sans retour. (© Bundesarchiv)
29 mars 1942 Les deux torpilles britanniques lâchées la veille pendant l'opération, explosent avec un retard non prévu, semant la confusion dans les troupes allemandes qui ouvrent le feu entre elles et sur des civils français (16 sont tués et une trentaine blessés).
L'opération aura coûté169 tués et 200 prisonniers aux Britanniques. Il y aura au moins 400 tués côté allemand.
La forme Joubert est inutilisable et le restera jusqu'à la fin de la guerre. 

A suivre…

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