mercredi 7 juillet 2010

L'attaque du Richelieu à Dakar le 7 juillet 1940

Richelieu à Dakar (collection Alain V)

DAKAR, L'ATTAQUE DU RICHELIEU

Le 7 juillet, l'amirauté britannique poursuivant sont plan d'action, décide de tenter une action contre le port de Dakar,ou le cuirassé Richelieu est venu se réfugier après son départ de Brest le 18 juin ; le même ultimatum qu'a Mers el Kébir et Alexandrie est présenté aux autorités locales françaises.
Le cuirassé Richelieu de 35 000 t, est notre plus puissant bâtiment, il est à peine sorti de ses essais,et sa DCA n' est pas encore au point.
Le 8 juillet, il est attaqué par les avions torpilleurs du porte-avions britannique HERMES,il reçoit une torpille à l'arrière qui occasionnent des dégâts à la barre, ainsi qu' aux machines et lignes d'arbre tribord. Une brèche de 9,3m de long sur 8,5 m de haut provoque l'envahissement de compartiments arrières par 2400 tonnes d'eau.
Il fera encore l'objet d'une nouvelle attaque le 23 septembre 1940 de l'escadre britannique lors de l'opération "Menace" tentative des anglo-gaullistes pour s'emparer de Dakar et du Sénégal.
Le Richelieu répond à coups de 380 mm et de 152mm, au cuirassé britannique BARHAM qui touché se replie; le Richelieu n'aura perdu dans cette deuxième attaque qu'un canon de 380mm qui explose accidentellement (il sera remplacé lors de la refonte aux USA, par un canon destiné au JEAN BART).
Le Richelieu réparé provisoirement, sera après la reprise des combats, faisant suite au débarquement des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord, envoyé en février 1943 aux Etats Unis, pour y être remis en état, et modernisé à l'arsenal de Brooklyn; la DCA étant considérablement renforcée; avant de poursuivre la guerre aux cotés des alliés.
Avec l'attaque du Richelieu se termine l'épisode tragique de l'opération Catapult dont la responsabilité incombe à Winston Churchill; tragique sur le plan humain et fiasco sur le plan stratégique.
Tragique sur le plan humain;d'abord par les nombreux morts qu'elle fit; mais aussi parce qu'elle fut considérée par les marins comme une trahison des anciens alliés, et provoqua en leur sein une anglophobie qui ruina l'espoir de reprendre rapidement le combat à leur coté,le nombre de marins qui rejoignirent le Général de Gaulle fut infime, et lorsqu'il fut question fin 1942 de reprendre le combat, et de réconcilier la marine jusqu'alors fidèle à vichy, d'Afrique et des colonies, et les Forces navales de la France libre; la fusion fut difficile; les blessures étant trop vives.
Fiasco stratégique; puisque l'objectif de détruire, ou s'emparer de la flotte française ne fut pas atteint; la plupart des unités se replièrent sur Toulon, à portée de main des Allemands, ce qui conduisit après l'invasion de la zone libre au sabordage de la flotte le 27 novembre 1942.
Alain

L'attaque du Richelieu à Dakar le 7 juillet 1940

Richelieu à Dakar (collection Alain V)

DAKAR, L'ATTAQUE DU RICHELIEU

Le 7 juillet, l'amirauté britannique poursuivant sont plan d'action, décide de tenter une action contre le port de Dakar,ou le cuirassé Richelieu est venu se réfugier après son départ de Brest le 18 juin ; le même ultimatum qu'a Mers el Kébir et Alexandrie est présenté aux autorités locales françaises.
Le cuirassé Richelieu de 35 000 t, est notre plus puissant bâtiment, il est à peine sorti de ses essais,et sa DCA n' est pas encore au point.
Le 8 juillet, il est attaqué par les avions torpilleurs du porte-avions britannique HERMES,il reçoit une torpille à l'arrière qui occasionnent des dégâts à la barre, ainsi qu' aux machines et lignes d'arbre tribord. Une brèche de 9,3m de long sur 8,5 m de haut provoque l'envahissement de compartiments arrières par 2400 tonnes d'eau.
Il fera encore l'objet d'une nouvelle attaque le 23 septembre 1940 de l'escadre britannique lors de l'opération "Menace" tentative des anglo-gaullistes pour s'emparer de Dakar et du Sénégal.
Le Richelieu répond à coups de 380 mm et de 152mm, au cuirassé britannique BARHAM qui touché se replie; le Richelieu n'aura perdu dans cette deuxième attaque qu'un canon de 380mm qui explose accidentellement (il sera remplacé lors de la refonte aux USA, par un canon destiné au JEAN BART).
Le Richelieu réparé provisoirement, sera après la reprise des combats, faisant suite au débarquement des troupes anglo-américaines en Afrique du Nord, envoyé en février 1943 aux Etats Unis, pour y être remis en état, et modernisé à l'arsenal de Brooklyn; la DCA étant considérablement renforcée; avant de poursuivre la guerre aux cotés des alliés.
Avec l'attaque du Richelieu se termine l'épisode tragique de l'opération Catapult dont la responsabilité incombe à Winston Churchill; tragique sur le plan humain et fiasco sur le plan stratégique.
Tragique sur le plan humain;d'abord par les nombreux morts qu'elle fit; mais aussi parce qu'elle fut considérée par les marins comme une trahison des anciens alliés, et provoqua en leur sein une anglophobie qui ruina l'espoir de reprendre rapidement le combat à leur coté,le nombre de marins qui rejoignirent le Général de Gaulle fut infime, et lorsqu'il fut question fin 1942 de reprendre le combat, et de réconcilier la marine jusqu'alors fidèle à vichy, d'Afrique et des colonies, et les Forces navales de la France libre; la fusion fut difficile; les blessures étant trop vives.
Fiasco stratégique; puisque l'objectif de détruire, ou s'emparer de la flotte française ne fut pas atteint; la plupart des unités se replièrent sur Toulon, à portée de main des Allemands, ce qui conduisit après l'invasion de la zone libre au sabordage de la flotte le 27 novembre 1942.
Alain

Les grands paquebots au tournant du XXe siècle 1/2 : le coût de la vitesse

L'Illustration du 13 novembre 1897 publiait, sous la signature M. N., un intéressant article sur la situation de la marine marchande dans le monde et, en parallèle, celle de la flotte française. On y trouve la confirmation, pour ceux qui en douteraient encore, que la France a toujours eu une relation difficile avec sa marine. Les réflexions du journaliste pourraient presque être reproduites dans un périodique actuel. Notons qu'il y a un siècle, les journaux n'avaient pas peur de produire des articles de fond très longs (alors que nous pensons devoir publier celui-ci en deux parties pour ne pas lasser!). Il nous a paru intéressant d'en faire part à nos lecteurs qui s'étonneront peut-être en apprenant que les grandes flottes se sont constituées grâce aux Etats qui y avaient un intérêt postal et militaire que l'auteur de l'article chiffre de manière précise.

"La décadence de notre marine marchande s'accentue sans cesse. La France qui, par le tonnage de sa flotte commerciale à vapeur, était, il y a dix ans (en 1887, ndlr), la seconde puissance maritime du monde, n'est plus aujourd'hui (1897) qu'au troisième rang, distancée de beaucoup par l'Allemagne, et non plus seulement par l'Angleterre. Dans huit ans, au train dont vont les choses, elle n'occupera plus que la quatrième place, après la Norvège.
Chaque année, cette déchéance est signalée dans la presse et au Parlement, mais l'opinion ne paraît guère s'en émouvoir. Il semblerait que notre pays, si jaloux de sa puissanee militaire, fût devenu indifférent au maintien de ses forces navales. L'insouciance du public n'a d'égale que son ignorance des choses de la mer. Nous n'en citerons qu'un exemple bien typique et tout récent. Ces jours derniers, au cours d'une séance consacrée aux services postaux de la Méditerranée, M. Charles-Roux, député de Marseille, expliquait à la Chambre que, pour obtenir de grandes vitesses, il faut aux paquebots de grandes dimensions ... " Et les torpilleurs! " s'écria un membre de l'Assemblée. M. Charles-Roux haussa les épaules; il y avait de quoi. Cependant, son interrupteur resta probablement fort convaincu d'avoir produit un argument sans réplique à ses yeux, et cette hérésie correspond peut-être au niveau moyen des connaissances de ses électeurs.
C'est donc faire œuvre patriotique et toute d'actualité que de vulgariser des notions trop généralement ignorées : Nous allons essayer de faire comprendre l'importance et les difficultés de cette lutte pour la vitesse où les grandes nations maritimes se font une concurrence acharnée.
Depuis une vingtaine d'années, la vitesse des paquebots a presque doublé. Elle atteint aujourd'hui, pour quelques-uns d'entre eux, une moyenne de près de 20 nœuds et demi, soit environ 38 kilomètres à l'heure. Comparée à celle des chemins de fer, cette vitesse est faible assurément, mais il est autrement difficile de faire avancer un navire sur la mer qu'une locomotive sur des rails. Pour en donner une idée, nous allons reprendre l'exemple du torpilleur qu'opposait triomphalement à M. Charles-Roux son contradicteur.
Oui, certains torpilleurs ont filé 27 et même, dit-on, 33 nœuds, mais en tirer conclusion pour des paquebots, c'est exactement comme si l'on faisait le raisonnement suivant: "Un cheval de course parcourt en quatre minutes une piste de 4 kilomètres, soit un kilomètre par minute. Donc il est possible de voyager à cheval à raison de 60 kilomètres à l'heure."
Les essais d'un torpilleur durent fort peu de temps; ils ont lieu dans des conditions où tout a été combiné pour obtenir le maximum possible. Aussitôt que ces conditions ne sont plus réunies, la vitesse diminue d'autant plus que le navire est plus petit; tel torpilleur, ayant filé 27 nœuds aux essais, n'en donnera plus que 24 ou même 20 en service par beau temps, pour tomber à 12, à 10 et même au-dessous, si la mer est très forte.
Mais ce n'est pas tout: nous allons voir ce que coûte la vitesse. Un torpilleur de 37 mètres brûle environ 60 kilos de charbon par heure pour filer 10 nœuds; à cette vitesse, il peut parcourir 1,800 milles avec les 11 tonnes de charbon contenues dans ses soutes.
Si, au lieu de 10 nœuds, on veut marcher à 24 nœuds, ce n'est plus 60 kilos, mais treize cents kilos de charbon qu'il faut brùler par heure. A cette allure, l'approvisionnement de charbon sera épuisé au bout de huit heures et le torpilleur n'aura parcouru que 200 milles, soit moins de la moitié de la distance de Marseille à Alger.
Pour faire marcher un même navire deux fois plus vite, il faut au moins huit fois plus de force: telle est la loi mécanique qui a rendu si lents les progrès de la navigation à vapeur, telle est la difficulté fondamentale du problème de la vitesse. Il y en a d'autres. Pour qu'un navire puisse soutenir sa vitesse par tous les temps - condition nécessaire pour un service postaI - il faut qu'il soit très grand; mais pour avoir un autre navire un peu plus rapide, il faut le faire beaucoup plus grand et plus puissant. Exemple: La Touraine, de la Compagnie transatlantique, file 18 nœuds en chiffres ronds, avec des machines de 12,000 chevaux. Pour obtenir 20 nœuds 1/2, il faut des machines de 30,000 chevaux à la Lucania, de la compagnie Cunard. Ces 2 nœuds 1/2 de différence se traduisent, en dépense, par des chiffres éloquents: La Touraine a coùté 8 millions 1/2; la Lucania 15 millions.
La Lucania devra donc emporter deux fois et demie plus de charbon que La Touraine pour tenir la mer pendant le même temps et, pendant ce temps, elle aura parcouru seulement un huitième de chemin en plus. La Lucania et la Campania étaient hier encore les deux paquebots transatlantiques les plus rapides. Depuis qu'ils fonctionnent, les frais de ces deux navires ont suffi pour anéantir les bénéfices de la Cunard, une des plus anciennes de l'Angleterre. Reconstituée au capital de 50 millions de francs, la Cunard Line avait donné un dividende de 4% en 1888, de 6% en 1889, enfin de 4 à 2% jusqu'à 1893. En 1894, la Campania et la Lucania entrent en service: plus de dividende et 2,200,000 francs passent du fonds de réserve au compte profits et pertes. Pas de dividende non plus en 1895, et 975,000 francs prennent le même chemin. Enfin, en 1896, pour parfaire un dividende de 2,5%, il faut encore prendre 250,000 francs aux réserves. Le cours des actions de 20 livres sterling est actuellement de 9 livres 7/8.
Voilà ce que coùte la vitesse. Pourtant, il la faut quand même, cette vitesse ruineuse: il y a, pour les Etats qui visent à l'empire des mers, un intérêt de premier ordre à détenir à tout prix le record des traversées rapides. La preuve, c'est que l'exemple de la Cunard Line n'a pas découragé les concurrences. C'est la compagnie allemande Norddeutscher Lloyd qui possède aujourd'hui le champion des transatlantiques avec le Kaiser Wilhelm, dont on espérait 22 nœuds et qui en a donné 21,65 à son premier voyage. D'autre part la White Star Line anglaise a en chantier, à Belfast, l'Oceanic (lancé en 1899, ndlr) encore plus grand que le Kaiser Wilhelm et dont la vitesse prévue dépassera 23 nœuds.


"Le Kaiser-Wilhelm-der-Grosse figure au premier rang des paquebots de la ligne de New-York. Par son tonnage il conservera ce rang jusqu'au lancement de l'Oceanic. Quant à sa vitesse, Il est peu probable qu'elle se maintienne à plus d'un nœud au-dessus de celle des paquebots anglais Campania et Lucania. L'écart moyen sera sans doute moins grand. On peut remarquer en effet que la Lucania, par exemple, a accompli un certain nombre de traversées extrêmement rapides: en octobre 1894, elle est allée d'Angleterre à New-York à une vitesse de 21 nœuds 74; en août de la même année, elle avait accompli le voyage de retour à raison de 21 nœuds 70. Or, le Kaiser-Wilhelm, dans son premier yoyage de Brème à New-York via Southampton, et de New-York à Brême via Plymouth, a marché à l'aller à raison de 21 nœuds 39, au retour à 21 nœuds 91, et il est difficile de décider s'il a établi là sa moyenne ou son maximum. Il vient d'effectuer son second voyage; mais on n'en possède pas encore les résultats exacts. On sait seulement que sa marche à l'aller a été sensiblement pareille à celle de sa traversée précédente et qu'au retour, il a été retardé par une avarie.
Le Kaiser-Wilhelm-der-Grosse est aménagé pour 400 passagers de 1re classe; 350 de seconde et 800 de troisième, et son équipage se compose de 450 hommes, dont 208 pour le service des machines. Au-dessus du grand salon s'élève une large coupole dans laquelle se tient un orchestre qui joue pendant les repas. Beaucoup de cabines n'ont qu'une seule couchette et un certain nombre possèdent une salle de bain particulière.
La Norddeutscher Lloyd, à laquelle appartient ce puissant paquebot, fait comme la Hamburg Amerika, escale à Cherbourg, à l'aller et au retour, un voyage sur deux.
A suivre…

Les grands paquebots au tournant du XXe siècle 1/2 : le coût de la vitesse

L'Illustration du 13 novembre 1897 publiait, sous la signature M. N., un intéressant article sur la situation de la marine marchande dans le monde et, en parallèle, celle de la flotte française. On y trouve la confirmation, pour ceux qui en douteraient encore, que la France a toujours eu une relation difficile avec sa marine. Les réflexions du journaliste pourraient presque être reproduites dans un périodique actuel. Notons qu'il y a un siècle, les journaux n'avaient pas peur de produire des articles de fond très longs (alors que nous pensons devoir publier celui-ci en deux parties pour ne pas lasser!). Il nous a paru intéressant d'en faire part à nos lecteurs qui s'étonneront peut-être en apprenant que les grandes flottes se sont constituées grâce aux Etats qui y avaient un intérêt postal et militaire que l'auteur de l'article chiffre de manière précise.

"La décadence de notre marine marchande s'accentue sans cesse. La France qui, par le tonnage de sa flotte commerciale à vapeur, était, il y a dix ans (en 1887, ndlr), la seconde puissance maritime du monde, n'est plus aujourd'hui (1897) qu'au troisième rang, distancée de beaucoup par l'Allemagne, et non plus seulement par l'Angleterre. Dans huit ans, au train dont vont les choses, elle n'occupera plus que la quatrième place, après la Norvège.
Chaque année, cette déchéance est signalée dans la presse et au Parlement, mais l'opinion ne paraît guère s'en émouvoir. Il semblerait que notre pays, si jaloux de sa puissanee militaire, fût devenu indifférent au maintien de ses forces navales. L'insouciance du public n'a d'égale que son ignorance des choses de la mer. Nous n'en citerons qu'un exemple bien typique et tout récent. Ces jours derniers, au cours d'une séance consacrée aux services postaux de la Méditerranée, M. Charles-Roux, député de Marseille, expliquait à la Chambre que, pour obtenir de grandes vitesses, il faut aux paquebots de grandes dimensions ... " Et les torpilleurs! " s'écria un membre de l'Assemblée. M. Charles-Roux haussa les épaules; il y avait de quoi. Cependant, son interrupteur resta probablement fort convaincu d'avoir produit un argument sans réplique à ses yeux, et cette hérésie correspond peut-être au niveau moyen des connaissances de ses électeurs.
C'est donc faire œuvre patriotique et toute d'actualité que de vulgariser des notions trop généralement ignorées : Nous allons essayer de faire comprendre l'importance et les difficultés de cette lutte pour la vitesse où les grandes nations maritimes se font une concurrence acharnée.
Depuis une vingtaine d'années, la vitesse des paquebots a presque doublé. Elle atteint aujourd'hui, pour quelques-uns d'entre eux, une moyenne de près de 20 nœuds et demi, soit environ 38 kilomètres à l'heure. Comparée à celle des chemins de fer, cette vitesse est faible assurément, mais il est autrement difficile de faire avancer un navire sur la mer qu'une locomotive sur des rails. Pour en donner une idée, nous allons reprendre l'exemple du torpilleur qu'opposait triomphalement à M. Charles-Roux son contradicteur.
Oui, certains torpilleurs ont filé 27 et même, dit-on, 33 nœuds, mais en tirer conclusion pour des paquebots, c'est exactement comme si l'on faisait le raisonnement suivant: "Un cheval de course parcourt en quatre minutes une piste de 4 kilomètres, soit un kilomètre par minute. Donc il est possible de voyager à cheval à raison de 60 kilomètres à l'heure."
Les essais d'un torpilleur durent fort peu de temps; ils ont lieu dans des conditions où tout a été combiné pour obtenir le maximum possible. Aussitôt que ces conditions ne sont plus réunies, la vitesse diminue d'autant plus que le navire est plus petit; tel torpilleur, ayant filé 27 nœuds aux essais, n'en donnera plus que 24 ou même 20 en service par beau temps, pour tomber à 12, à 10 et même au-dessous, si la mer est très forte.
Mais ce n'est pas tout: nous allons voir ce que coûte la vitesse. Un torpilleur de 37 mètres brûle environ 60 kilos de charbon par heure pour filer 10 nœuds; à cette vitesse, il peut parcourir 1,800 milles avec les 11 tonnes de charbon contenues dans ses soutes.
Si, au lieu de 10 nœuds, on veut marcher à 24 nœuds, ce n'est plus 60 kilos, mais treize cents kilos de charbon qu'il faut brùler par heure. A cette allure, l'approvisionnement de charbon sera épuisé au bout de huit heures et le torpilleur n'aura parcouru que 200 milles, soit moins de la moitié de la distance de Marseille à Alger.
Pour faire marcher un même navire deux fois plus vite, il faut au moins huit fois plus de force: telle est la loi mécanique qui a rendu si lents les progrès de la navigation à vapeur, telle est la difficulté fondamentale du problème de la vitesse. Il y en a d'autres. Pour qu'un navire puisse soutenir sa vitesse par tous les temps - condition nécessaire pour un service postaI - il faut qu'il soit très grand; mais pour avoir un autre navire un peu plus rapide, il faut le faire beaucoup plus grand et plus puissant. Exemple: La Touraine, de la Compagnie transatlantique, file 18 nœuds en chiffres ronds, avec des machines de 12,000 chevaux. Pour obtenir 20 nœuds 1/2, il faut des machines de 30,000 chevaux à la Lucania, de la compagnie Cunard. Ces 2 nœuds 1/2 de différence se traduisent, en dépense, par des chiffres éloquents: La Touraine a coùté 8 millions 1/2; la Lucania 15 millions.
La Lucania devra donc emporter deux fois et demie plus de charbon que La Touraine pour tenir la mer pendant le même temps et, pendant ce temps, elle aura parcouru seulement un huitième de chemin en plus. La Lucania et la Campania étaient hier encore les deux paquebots transatlantiques les plus rapides. Depuis qu'ils fonctionnent, les frais de ces deux navires ont suffi pour anéantir les bénéfices de la Cunard, une des plus anciennes de l'Angleterre. Reconstituée au capital de 50 millions de francs, la Cunard Line avait donné un dividende de 4% en 1888, de 6% en 1889, enfin de 4 à 2% jusqu'à 1893. En 1894, la Campania et la Lucania entrent en service: plus de dividende et 2,200,000 francs passent du fonds de réserve au compte profits et pertes. Pas de dividende non plus en 1895, et 975,000 francs prennent le même chemin. Enfin, en 1896, pour parfaire un dividende de 2,5%, il faut encore prendre 250,000 francs aux réserves. Le cours des actions de 20 livres sterling est actuellement de 9 livres 7/8.
Voilà ce que coùte la vitesse. Pourtant, il la faut quand même, cette vitesse ruineuse: il y a, pour les Etats qui visent à l'empire des mers, un intérêt de premier ordre à détenir à tout prix le record des traversées rapides. La preuve, c'est que l'exemple de la Cunard Line n'a pas découragé les concurrences. C'est la compagnie allemande Norddeutscher Lloyd qui possède aujourd'hui le champion des transatlantiques avec le Kaiser Wilhelm, dont on espérait 22 nœuds et qui en a donné 21,65 à son premier voyage. D'autre part la White Star Line anglaise a en chantier, à Belfast, l'Oceanic (lancé en 1899, ndlr) encore plus grand que le Kaiser Wilhelm et dont la vitesse prévue dépassera 23 nœuds.


"Le Kaiser-Wilhelm-der-Grosse figure au premier rang des paquebots de la ligne de New-York. Par son tonnage il conservera ce rang jusqu'au lancement de l'Oceanic. Quant à sa vitesse, Il est peu probable qu'elle se maintienne à plus d'un nœud au-dessus de celle des paquebots anglais Campania et Lucania. L'écart moyen sera sans doute moins grand. On peut remarquer en effet que la Lucania, par exemple, a accompli un certain nombre de traversées extrêmement rapides: en octobre 1894, elle est allée d'Angleterre à New-York à une vitesse de 21 nœuds 74; en août de la même année, elle avait accompli le voyage de retour à raison de 21 nœuds 70. Or, le Kaiser-Wilhelm, dans son premier yoyage de Brème à New-York via Southampton, et de New-York à Brême via Plymouth, a marché à l'aller à raison de 21 nœuds 39, au retour à 21 nœuds 91, et il est difficile de décider s'il a établi là sa moyenne ou son maximum. Il vient d'effectuer son second voyage; mais on n'en possède pas encore les résultats exacts. On sait seulement que sa marche à l'aller a été sensiblement pareille à celle de sa traversée précédente et qu'au retour, il a été retardé par une avarie.
Le Kaiser-Wilhelm-der-Grosse est aménagé pour 400 passagers de 1re classe; 350 de seconde et 800 de troisième, et son équipage se compose de 450 hommes, dont 208 pour le service des machines. Au-dessus du grand salon s'élève une large coupole dans laquelle se tient un orchestre qui joue pendant les repas. Beaucoup de cabines n'ont qu'une seule couchette et un certain nombre possèdent une salle de bain particulière.
La Norddeutscher Lloyd, à laquelle appartient ce puissant paquebot, fait comme la Hamburg Amerika, escale à Cherbourg, à l'aller et au retour, un voyage sur deux.
A suivre…