Le 17 août 1950, un nouveau navire de la Compagnie générale transatlantique prend au Havre le départ de son voyage inaugural vers New York. Il a la particularité d'avoir été lancé en août 1928 et d'avoir déjà servi sur l'Atlantique Nord mais pour une autre compagnie, allemande, le Norddeutscher Lloyd. Depuis, la guerre a ravagé l'Europe et refondu les économies des nations. Il a fallu faire du neuf avec ce qui a pu être récupéré. Ainsi de ce navire à l'histoire mouvementée.
Au milieu des années vingt, la commande de deux navires
Bremen et
Europa à la silhouette quasiment identique marque la volonté de l'Allemagne et du Norddeutscher Lloyd de revenir sur la scène maritime internationale après la signature jugée humiliante du traité de Versailles. Des deux frères,
Europa est l'aîné, lancé le 15 août 1928 par le chantier Blohm & Voss de Hambourg. Cependant un grave incendie survenu en mars 1929, pendant sa période d'armement, retarde sa mise en service entre Bremerhaven et New York. Mais c'est pour mieux triompher : il remporte le record de vitesse de la traversée de l'Atlantique dès sa première traversée dont le départ a enfin lieu le 19 mars 1930.
Les deux frères
Bremen et
Europa sous pavillon allemand en 1930 (image Bundsarchiv)
Il s'agit là de sa seule traversée victorieuse mais il reste un fidèle de la ligne jusqu'à l'éclatement du conflit de 1939 auquel il ne participe que de loin : il sert de dépôt de la Kriegsmarine dans les ports allemands. En 1945, saisi, il prend le pavillon américain et le nom de USS
AP 177 Europa pour rapatrier les soldats vers les USA. Il ne doit plus servir le pavillon allemand ; il est attribué à la France en 1946 au titre des dommages de guerre. Logiquement, c'est la "Transat" qui en hérite pour compenser, si possible, la perte de
Normandie. Le 14 juillet 1946, un mois après son retour en Europe, il est officiellement baptisé
Liberté. La date est symbolique, le nom ne l'est pas moins à l'issue de la période trouble qui vient de s'achever. Mais surtout, proche de sa traduction anglaise, il est facile à prononcer pour la clientèle américaine qu'il s'agit de capter à nouveau. On aurait pu penser les péripéties terminées pour ce paquebot. Loin de là…
Le 8 décembre 1946, au Havre où le navire est mouillé au milieu d'un bassin, le vent souffle fort, très fort. Si fort que, les amarres rompues, le paquebot dérive et aborde l’épave de
Paris, qui depuis 1939 n'a pas encore été relevé. S'ensuit une brèche sous la ligne de flottaison. Le navire s'enfonce. Son renflouement, opération toujours délicate, va durer plusieurs semaines, de janvier à avril 1947. Puis c'est le voyage vers St Nazaire et les Chantiers de Penhoët pour y subir une refonte longue et complète : changement des chaudières, renforcement de la coque, installation d'une nouvelle décoration…
Le grand salon
Le fumoir de première classe
Le salon bibliothèque
Café de L'Atlantique
La chapelle de première classe
La piscine
La salle de spectacle,
le salon de musique de première classe.
Après plus de deux ans de travaux, commence ce 17 août 1950 une seconde carrière. Menée avec Île de France comme compagnon de route, elle se déroule dans le calme de la paix retrouvée. La fidèle clientèle de la French Line retrouve à bord la qualité de l'accueil et de l'hôtellerie tant renommés. Les suites de première classe portent des noms évocateurs de la géographie française, comme sur Normandie dont Liberté emporte certains éléments décoratifs qui ont pu être préservés.
Le paquebot Liberté entrant au Havre encore en ruines.
En janvier 1962, lors de l'entrée en lice de France, nouveau (et dernier...) fleuron de la Transat, Liberté est retiré du service. Selon les chiffres de la compagnie, de 1950 à 1961, il a effectué 200 voyages, transporté plus de 400 000 passagers et parcouru plus de 1,3 millions de milles. L'ancien allemand est démoli en Italie au cours de l'année.
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