Le port d'Anvers doit beaucoup de son expansion au développement des échanges avec l'Afrique et à l'exploitation des richesses du Congo. Dans ce panorama du port et de la rade, c'est peut-être Leopoldville 3 de la compagnie belge maritime du Congo qui est à quai.
En 1879, la partie méridionale de la côte occidentale d'Afrique n'est desservie que par deux lignes anglaises, - la British and African Steam Navigation Co et l'African Steam Ship Co de Liverpool (voir notre blog). Ces deux lignes, après une concurrence ruineuse, s'associent. Mais leurs bateaux touchent irrégulièrement Banana, à l'embouchure du fleuve Congo. Le voyage dure plus de deux mois, lenteur des navires mais aussi multiplicité des escales tout le long de la Guinée, de Sierra Leone au Nigeria. A l'exception de vapeurs affrétés occasionnellement, ce fut, naturellement, à ces compagnies que s'adressa le Comité d'études du haut Congo. Les marchandises sont expédiées d'Anvers à Liverpool d'où partent les lignes anglaises. Elles sont déchargées à Banana, d'où de petits steamers les transportent à Vivi ou à Matadi mais dans les années 1880, le trafic est encore faible. Quant au voyage de retour, sa durée dépasse parfois soixante jours et les voyageurs attendent souvent le steamer transporteur jusqu'à six semaines pour rentrer en Belgique.
Dès 1883, les bateaux de la ligne portugaise Empreza nacionale commencent à toucher Banana, de même que ceux de Woermann linie, créée récemment.
En 1886, le Comité d'études du Congo (devenu État du Congo), conclut avec l'Empreza nacionale un arrangement provisoire pour une escale à Anvers. C'était sans compter sur l'arrêt obligé au port d'attache de Lisbonne durant 15 jours, ce qui portait le voyage à trois semaines! L'arrangement ne subsista que trois mois. C'est à ce moment que l'État reçut de la compagnie gantoise de navigation la proposition d'une ligne belge de transports vers le Congo par la mise en service de trois vapeurs de 1 650 tonnes environ : le Brabo, qui remonte pour la première fois le fleuve Congo jusqu'à Boma, le Lys et le Vlaanderen. Si ces steamers trouvèrent, au départ d'Anvers, un fret suffisant, ce ne fut pas le cas au retour à cause de la concurrence acharnée des armements étrangers et la compagnie gantoise renonce en 1888.
Début 1888, l'État garantit tout son fret depuis Anvers jusqu'au Congo aux compagnies anglaises, en direct ou via Liverpool quand le tonnage est insuffisant. Dès cette époque, les départs d'Anvers sont à peu près réguliers car le trafic s'est intensifié. La durée du voyage fut fixée à 30 jours pour les steamers partant d'Anvers.
Dans ces années les sociétés commerciales et industrielles intéressées par le développement du Congo se multiplient. Aussi, dès 1890, les départs réguliers et mensuels, par vapeurs anglais, emportèrent d'Anvers des chargements minimum de 1 000 tonnes. Deux autres lignes : les Chargeurs réunis et la Prince Line se décident à toucher Anvers, tandis que la Woermann Linie vient prendre les passagers à Flessingue d'abord, à Ostende ensuite. La durée du voyage entre Anvers et le Congo est réduite alors à 25 jours.
En 1891, l'État Indépendant du Congo et quelques-unes des nouvelles sociétés passent des conventions avec un syndicat formé par la British and African Steam Navigation Cy et l'African Steam Ship Cy et la Woermann Linie de Hambourg. Le syndicat s'engage à expédier le 6 de chaque mois un steamer d'Anvers à Matadi.
Nombreux sont les Belges qui souhaitent voir les transports coloniaux s'effectuer sous le pavillon national et leurs pressions aboutissent à la création de deux sociétés de droit belge. La compagnie belge maritime du Congo est fondée le 24 janvier 1895, elle est filiale de l'African Steam Ship Co dirigé par Elder Dempster de Liverpool. La société maritime du Congo voit le jour le 20 février 1895, c'est une filiale de la Woermann Linie. Les deux sociétés apportent chacune des navires. La compagnie belge maritime du Congo aligne le Coomassie assez âgé et le tout nouveau Léopoldville 1 tandis que la société maritime du Congo aligne l'Eduard Bohlen qui sera remplacé rapidement par le Bruxellesville 1. Un service mensuel sous pavillon belge, est organisé en commun, et le Léopoldville 1, vapeur de 3 363 tonnes, l'inaugure le 6 février 1895 en arrivant au Congo vingt jours après avoir quitté Anvers. L'Eduard Bohlen part le 6 mars et le Coomassie le 6 avril.
Au cours des années qui suivent, l'augmentation sensible du trafic permet aux deux sociétés de se développer rapidement. Aussi, dès 1900, les départs deviennent bimensuels au moyen de six vapeurs : Albertville 2 de 3 805 tonnes, Anversville 1 de 3 897 tonnes, Léopoldville 2 de 3 963 tonnes, Stanleyville 1 de 4 051 tonnes, Bruxellesville de 3 900 tonnes et Philippeville de 4 091 tonnes. Cet enthousiasme ne durera pas, confronté au manque d'équipement du port de Matadi et des escales fluviales, la société maritime du Congo se retire le 3 avril 1901. La Compagnie belge maritime du Congo restée seule, continue le service avec trois vapeurs et des départs réguliers toutes les trois semaines. Pour augmenter le confort des passagers et répondre en même temps aux nécessités d'un trafic constamment croissant, ces vapeurs sont promptement remplacés par des navires plus grands et plus modernes. En même temps la durée du voyage est réduite à 19 jours, les escales étant La Pallice, Ténériffe, Dakar, Conakry, Sierra Léone et Boma.
En 1910, l'État indépendant du Congo devient la colonie du Congo belge. Un groupe de capitalistes belges ayant à sa tête le colonel Thys, un des artisans les plus actifs de la colonisation congolaise auprès de Léopold II, entreprend la nationalisation de la ligne entre la colonie à la Métropole. La compagnie belge maritime du Congo passe en totalité sous contrôle belge. L'Agence maritime Walford est créée à Anvers le 24 juillet 1902, notamment par le colonel Thys. Thys siège au conseil de l'agence et la gérance de la compagnie est confiée à J. P. Best le 1er février 1911.
Albertville 4 (1913-1923) de la compagnie belge maritime du Congo. Il sera brièvement navire-hôpital au début de la Grande Guerre. (coll agence Adhémar)
Soucieuse de l'amélioration constante de l'important service qu'elle assume, la compagnie décide l'abandon des escales de Ténériffe et de Freetown (Sierra Leone), pour ramener la durée du voyage à 18 jours. En même temps elle commande deux nouveaux vapeurs, l'un, l'Albertville 4 de 7745 tonnes (ci-dessus), lancé en juin 1912 par les chantiers Cockerill à Hoboken, l'autre, l'Anversville 2 de 7 694 tonnes, livré en août 1912 par les chantiers de Alex. Stephen and Sons Ltd à Glasgow. L'Albertville 4, l'Anversville 2 et l'Élisabethville 1, ce dernier de 7 017 tonnes, construit en 1911 par les chantiers Stephen, constituent dès 1912, un groupe homogène de vapeurs rapides à deux hélices. Cette flotte se complète au Congo par le remorqueur Colonel Thys, de 220 tonnes, construit cette même année dans les chantiers Boele et Pot, à Bolnes (Pays-Bas), par six allèges de haute mer et par quatre chalands de rivière afin d'alléger, aux basses eaux, les paquebots avant qu'ils ne s'engagent dans l'estuaire maritime en aval de Boma. Les départs ont lieu régulièrement d'Anvers, toutes les trois semaines.
En 1914, l'invasion oblige la Compagnie à se transporter en Angleterre, dans les bureaux de l'agence maritime Walford, à Londres et dans ceux de Elder Dempster Co Ltd., à Hull. A partir de 1915, la compagnie aligne ses trois paquebots sur la relation Grande Bretagne - Congo d'abord au départ de Liverpool. Les paquebots prennent ensuite Hull comme point de chargement et de déchargement des marchandises. L'embarquement des passagers ainsi que leur débarquement a lieu à Falmouth.
Pendant toute la durée de la guerre, la compagnie assure des relations aussi régulières que possibles avec le Congo belge qui, déjà en plein essor, rend aux Alliés les plus précieux services. Ses navires transportent, outre le trafic ordinaire, une bonne partie des 700 officiers et sous-officiers envoyés d'Europe en Afrique pendant les trois années que dure la campagne contre les Allemands dans cette partie du monde, ainsi que des approvisionnements considérables de matériel hospitalier, de médicaments, de vivres, d'objets d'habillement, de campement, d'équipement, de munitions, d'armes, d'outils, et rapporte à la Grande Bretagne du cuivre, du copal et des oléagineux. Mais la compagnie belge maritime du Congo paye un lourd tribut à la guerre sous-marine : son vapeur Élisabethville est torpillé le 6 septembre 1917, au large de Belle-Île par un sous-marin ennemi.
A suivre…