Navire sortant du port de Hambourg dans l'entre-deux-guerres. coll agence Adhémar
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mardi 10 avril 2012
La navigation sur le lac de Brienz (Suisse)
Quittons pour une fois l'eau salée. L'eau douce aussi possède quelques trésors ; quelques-uns d'entre eux flottent sur les lacs suisses comme, par exemple, celui de Brienz. Ce lac, dont l'eau est réputée la plus pure de Suisse, s'étend au sud du canton de Berne entre Brienz (au nord-est) et Interlaken (au sud-ouest). Sa longueur est d'environ 10 kilomètres. La ville dont il porte le nom est connue pour abriter l'école de sculpture sur bois et le musée de l'habitat rural qui expose de nombreux exemples de constructions des différents cantons suisses. À l'extrémité opposée, au sud-ouest, se trouve Interlaken, qui le sépare du lac de Thoune à l'ouest. Les deux lacs sont reliés par l'Aare qui prend sa source dans la région des glaciers. Au sud du lac se trouvent les alpes bernoises et de nombreux sommets célèbres tels l'Eiger ou la Jungfrau. Peut-être est-ce le caractère plus sauvage du lac de Brienz que celui de Thoune qui explique le léger décalage dans le temps de son développement touristique.
Vue des deux lacs depuis le nord : Brienz (à gauche) et Thoune (à droite). Les sommets de l'Oberland au fond.
L'histoire de la navigation sur les lacs de l'Oberland Bernois débute en 1834 à l'initiative des frères Knechtenhofer, tous trois hôteliers à Thoune. Afin de fournir un loisir nouveau à leur clientèle, ils décident alors de proposer des excursions sur le lac à bord d'un petit vapeur baptisé Bellevue. Un orgue mécanique était embarqué à son bord ; pour le plus grand plaisir des touristes britanniques, il jouait "God save the King"...
L'idée est reprise quelques années plus tard par David Gottlieb Matti, hôtelier à Kienholz, petit village à l'extrémité nord du lac de Brienz, tout proche. C'est ainsi que Giessbach, un ancien bateau du Léman, devient en 1839 le premier bateau du lac de Brienz. Il navigue régulièrement entre Interlaken et Brienz, faisant une escale à Giessbach, célèbre pour ses cascades En 1843, le bateau subira un nouveau transfert, gagnant le lac de Thoune et devenant Helvetia.
Au cours de cette même année 1843, Bellevue (celui que nous avons évoqué quelques lignes plus haut) navigue sur l'Aar vers l'est, traversant la jolie ville d'Interlaken pour passer sur le lac de Brienz. Il abandonne son nom pour devenir Faulhorn. Retiré du service en 1856, il est transformé en remorqueur pour servir à nouveau sur le lac de Thoune. Il y coulera en 1864.
Le tourisme se développe et la recette de l'hôtelier devenant armateur semble efficace. En voici un troisième : en 1856, le propriétaire de l'hôtel Giessbach décide d'armer un petit bateau qui porte le même nom. Cette concurrence est mal vue par les frères Knechtenhofer et d'anciens concurrents maintenant réunis au sein de la "Vereinigte Dampfschifffahrtsgesellschaft für den Thuner und Brienzersee" (Compagnie réunie de navigation à vapeur sur les lacs de Thoune et de Brienz), en abrégé VDG. En 1857, la VDG achète à la fois l'hôtel et le bateau. Ce dernier est démoli dans les mois qui suivent et l'hôtel revendu en 1870.
L'année 1857 voit arriver sur le lac de Brienz un bateau construit par Escher Wyss et baptisé Interlaken I. Retiré du service en 1951, il aura donc connu une carrière particulièrement longue.
Le quatrième bateau à naviguer sur le lac de Brienz est le Giessbach (troisième du nom) construit en 1859. Il est le deuxième bateau neuf à naviguer sur le lac de Brienz. De nombreux réaménagements et rénovations lui permettront de naviguer jusqu'en 1956. Il sera vendu à la démolition l'année de son centenaire.
Commandé par une compagnie concurrente de la VDG (mais dont la durée de vie ne dépassera pas quelques mois), Oberland (1870-1925) puis Brienz (1871-1956) furent les deux premiers bateaux-salons à naviguer sur le lac de Brienz, toujours pour le compte de la VDG qui avait acquis le premier en cours de construction chez Sulzer à Winterthur. Tous deux connaîtront une belle carrière ; ils seront retirés du service respectivement en 1925 et 1957.
Jungfrau, mis en service en 1898, construit par Escher Wyss, est lui aussi un bateau-salon. Il sera retiré du service en 1942, inondé par des actions de vandalisme en 1949 et démoli en 1951.
Qu'est-ce qu'un bateau-salon ? Le bateau-salon est un bateau à deux ponts. Il succède chronologiquement au bateau demi-salon caractérisé par un pont arrière situé à un niveau plus élevé que le pont avant. Initialement, les deux ponts avant et arrière (par rapport aux roues) étaient à la même hauteur, définissant le bateau à pont plat. Cette évolution permit d'augmenter le confort des passagers. Nous sommes maintenant dans ce qui est appelé sur le Léman la flotte "Belle Époque". Ce sont ces bateaux qui ont formé l'image du bateau des lacs suisses arborant le pavillon carré rouge à croix blanche. Un intéressant document détaillant les données de la flotte "Belle Époque" lémanique à télécharger se trouve sur le site officiel du canton de Vaud, colonne de droite, avant dernier lien en partant du bas "Description de la flotte: texte intégral".
Une autre modification importante de la navigation sur les lacs de Thoune et Brienz est due à la construction dans la région, au cours des années 1870-1910, de nombreuses voies ferrées par des compagnies indépendantes. Les lignes de transport par bateau qui, de bateau d'excursion ont acquis le statut de moyen de transport commercial, sont modifiées en fonction de l'aménagement de nouvelles gares ferroviaires. Les horaires des bateaux sont aménagés en fonction de ceux des trains. La fréquentation des bateaux par les touristes acheminés dans la région par le train vient largement compenser la perte des lignes lacustres régulières. L'ensemble forme un système de transport que l'on qualifierait aujourd'hui d'intégré. Le regroupement au sein d'une entité unique de ces lignes ferroviaires indépendantes mais également des compagnies de navigation des deux lacs apparaît, rétrospectivement, inéluctable. Mais il fallut des négociations difficiles pour aboutir, en 1913, à la réunion de ces compagnies au sein de la "Berner Alpenbahn-Gesellschaft Bern–Lötschberg –Simplon" (Compagnie bernoise du chemin de fer des Alpes Berne – Lötschberg – Simplon), en abrégé BLS. C'est cette compagnie que l'on connaît encore en 2012.
Le Lötschberg que l'on voit aujourd'hui sur le lac de Brienz a été construit par Escher Wyss de Zürich et mis en service en 1914.
Essentiellement conçu pour le tourisme, il peut également transporter des marchandises et quelques animaux mais ne navigue que neuf jours avant que la guerre n'arrête son exploitation. Au retour de la paix, la "Belle Époque" est révolue, on parlera maintenant de guerres et de crises économiques. Après avoir été désarmé pendant toute la durée de la guerre, il ne reprend son service qu'en 1923. En 1968, sa propulsion est convertie au fuel. Rénové au cours des hivers 1988-1989 et 2001-2002, il retrouve ses emménagements d'époque.
On le rencontre régulièrement sur le lac de Brienz où vous le reconnaîtrez facilement : c'est l'un des deux vapeurs suisses dont la coque porte un bandeau de couleur verte. L'autre, Blümilsalp, n'est pas très loin : vous le verrez sur le lac de Thoune.
L'entre-deux guerres qui aurait dû être faste fut en fait marquée par la crise économique à laquelle la compagnie dut s'adapter. Il faudra attendre la seconde moitié du vingtième siècle pour voir arriver de nouveaux bateaux sur le lac. Ce sont eux (avec bien sûr le Lötschberg que nous avons vu plus haut) qui constituent la flotte actuelle. Elle comprend donc :
- Jungfrau (1954, Bodan Werft, 48 mètres, 235 tonnes), ancien bateau du lac de Thoune transféré en 1999) :
- Interlaken (1956, Bodan Werft, 42,10 mètres, 138 tonnes) :
- Iseltwald (1969, Oswag Linz, 37,10 mètres, 74 tonnes) :
- Brienz (1981, Bodan Werft, 53 mètres, 265 tonnes) :
Tous les clichés de cet article proviennent du site officiel de la compagnie BLS qui exploite ces bateaux et de nombreuses lignes ferroviaires de la région de l'Oberland Bernois. Autres photos de la flotte actuelle.
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