J'ai eu entre les mains un exemplaire du Magasin pittoresque, un magazine français paru de janvier 1833 à 1938. Dans ce fourre-tout "pittoresque", j'ai trouvé un article intitulé Quelques détails historiques sur la forme des navires qui me semble-t-il pourrait intéresser nos lecteurs, pas tant sur le fond, peut-être, que sur la forme très datée (mi-XIXe siècle ?).
Quelques détails historiques sur la forme des navires d’après le Magasin Pittoresque. Dessins de Morel-Fatio.
«Depuis l'époque semi-barbare du Moyen Age jusqu'à notre siècle, qui a vu naître la marine à vapeur, la forme et le gréement des vaisseaux ont subi bien des modifications. Nous allons en faire un rapide historique en citant, autant que possible, des types de constructions navales en renom aux siècles précédents. Toutefois, il ne nous est guère permis de remonter plus haut que le neuvième siècle, où nous trouvons quelques notions certaines sur les vaisseaux scandinaves. Avant ce temps, tout est confus et nous laisse plein d'incertitude. Nous savons bien que la trirème antique donna naissance à une sorte de bâtiments à rames, connus dès le cinquième siècle sous le nom de dromons ; mais nous manquons de détails positifs sur la forme précise de ces bâtiments. Au sixième siècle, l'empereur Maurice, dans un traité sur l'art militaire, en parla comme de navires essentiellement faits pour le combat. Trois cents ans plus tard, l'empereur Léon, qui écrit sur le même sujet, dit que le dromon est long et large en proportion de sa longueur, et qu'il porte à chaque côté deux rangs de rames superposés, de vingt-cinq chacun; mais après, plus rien ne nous éclaire. Cependant, nous savons encore que la famille des dromons se subdivisait en plusieurs espèces : ainsi il y avait la chélande et le pamphile. Il a même été question du pamphile jusqu'au quatorzième siècle. Ces deux espèces de dromons, inférieures à l’espèce-mère, n'en différaient pas beaucoup d'ailleurs.
Quant aux navires normands du neuvième au douzième siècle, nous connaissons d'abord le drakar (dragon), qui était mi-dragon comme la pristis des anciens était une baleine; c'est-à-dire qu'au sommet de sa proue se dressait une figure sculptée en dragon, et qu'il y avait dans sa forme quelque chose qui rappelait le serpent. Tous les dragons n'étaient pas de la même grandeur. Il est parlé, dans les histoires du temps, du dragon d'Alaf Tryggrason, comme du géant des vaisseaux scandinaves. On n'en avait jamais vu de plus grand, de plus beau et de plus imposant par sa masse et sa décoration. II possédait trente-quatre rames de chaque côté. Si la tradition est fidèle, il pouvait être long comme les grandes galères du seizième siècle. C'était, on le voit, un bâtiment d'une assez forte importance; car les galères à vingt-six avirons seulement avaient environ 130 pieds de longueur. Les dragons étaient faits pour résister à une mer plus orageuse que la Méditerranée; ils avaient en conséquence des flancs larges et une vaste croupe, de façon à prendre sur l'eau une assiette solide. Ils étaient à fond plat et tiraient peu d'eau. Outre le drakar, les Scandinaves possédaient le sekkar (vaisseau serpent) qui avait vingt bancs de rameurs. Sa forme différait peu de celle du dragon. II était seulement moins long, moins haut et moins large. Tous les vaisseaux normands étaient semblables par l'avant et par l'arrière. Quelques navires de guerre portaient cependant sur la poupe une petite construction particulière, à laquelle on donnait le nom de château. Ce château était une petite plate-forme crénelée, où se plaçaient des archets et des frondeurs. Il serait difficile de dire au juste quelles étaient les dispositions intérieures des navires scandinaves. Les plus petits n'étaient probablement pas pontés. Quant aux grands, ils avaient sans doute un pont comme les galères, et sous ce pont une cale partagée, selon les besoins, en chambres, magasins et écuries pour les chevaux. Les vaisseaux scandinaves ne portaient qu'un mât avec girouette et quatre ou cinq haubans. Leur voilure se composait d'une voile carrée, attachée à une vergue garnie d'écoutes à ses angles inférieurs, et gouvernée par deux bras qui s'amarraient à l'arrière. La voile se repliait vers la vergue par des cargues. La vergue avait une drisse passant à la tête du mât dans un trou ou dans un clan garni d'un rouet. Quant au gouvernail, c'était une pelle, un large aviron à manche de béquille qui se trouvait à l'arrière, à droite et à gauche du bâtiment. Les ancres des Normands étaient à peu près faites comme les nôtres, mais toutes n'avaient pas cette traverse de bois ou de fer qu'on nomme le jas.
Au douzième siècle, nous voyons les galées, sorte de galères qui, au dire de Wenesalf, n'étaient que des petits dromons légers, essentiellement taillés pour la course, et ne possédant qu'un seul rang de rames. Voici à leur propos un passage textuel de cet écrivain: " Ce que les anciens appelaient liburne, les modernes le nomment galée. C'est un navire, peu élevé, armé à la poupe d'un morceau de bois immobile qu'on nomme vulgairement calcal (éperon) , instrument avec lequel la galée perce les navires ennemis qu'elle a frappés." Un diminutif de la galée était le galion, qui, plus court et encore plus léger à la course, était plus propre à lancer le feu grégeois. Du reste, à partir de cette invention, l'action du choc des éperons fut peu à peu remplacée par la lutte corps à corps. Parmi les galées qui donnent ensuite naissance à la gales grossa, en prenant plus de ventre, plus d'ampleur, quelques-unes étaient manœuvrées à deux rames par banc, d'autres à trois. Il est même certain qu'il y en eut plus tard, au seizième siècle, de plus fortes qui l'ont été jusqu'à cinq, ce qui paraît incroyable. Les galées ne possédaient qu'un mât, lequel se dressait un peu à l'avant, c'est-à-dire dans le premier tiers du vaisseau.
A suivre…