jeudi 30 mai 2013

Le cuirassé d'escadre Brennus dans la série "Flotte de guerre française" du chocolat Klaus

Nous avons déjà vu ce cuirassé sur ce blog (cliquez ici) et son existence avait été largement commentée : « Le Brennus était un navire parfaitement raté, complètement périmé à son entrée en fonction, et qui rendit peu de service en escadre…»
En voici une carte postale publicitaire que la chocolaterie mortuacienne Klaus a publié dans sa série "Flotte de guerre française".

Solovey Budimirovich / Malygin (ex Terre-neuvien Bruce 1912)



En 1912, le chantier Napier & Miller de Glasgow lance un navire commandé par la compagnie Reid destiné à la liaison des différentes localités de Terre Neuve et aux relations avec la Nouvelle Ecosse. Il reprend le nom de Bruce qui avait déjà été porté par un navire de la compagnie, lancé en 1897 et qui avait été perdu le 24 mars 1911 au large de Louisbourg (Nouvelle Ecosse). Il mesure environ 76 mètres de long pour 11 de large.


Vendu à la Russie en 1916 pour permettre au port d'Arkhangelsk de conserver une activité hivernale malgré les glaces, il devient Solovey Budimirovich. En janvier 1920, le navire quitte le port d'Arkhangelsk, bastion des forces « blanches », peu de temps avant que la ville passe aux mains soviétiques. Au nombre des 85 passagers se trouvent principalement des fonctionnaires et des officiers de l'ancien régime qui, accompagnés de leur famille, désirent échapper au changement de pouvoir. Mais le bateau ne peut, lui, échapper aux glaces qu'il rencontre une fois parvenu en mer de Barents qui l'emprisonnent et l'entraînent vers l'est. Il est nécessaire de mettre sur pieds une opération de sauvetage pour dégager le navire et sauver ses passagers dont les conditions de vie à bord s'altèrent tous les jours. Bien sûr, il est nécessaire qu'un autre brise-glace participe à cette opération. En fait, deux expéditions sont organisées : l'une (conjointement par les occidentaux « blancs » et les responsables soviétiques) qui utilise le Svyatogor, alors aux mains des Britanniques (voir l'histoire de ce bateau) et placé sous les ordres d'Otto Sverdrup, l'ancien compagnon de Fritjof Nansen quelques vingt ans auparavant, l'autre par les bolchéviques qui arment l'ancien bateau canadien Earl Grey devenu IIIe Internationale, aux ordres du capitaine Mukalov. C'est une course qui s'engage dans la glace entre les deux équipes, la blanche et la rouge. L'enjeu : les passagers du Malygin et leur destin. Le 19 juin, la blanche l'emporte ; les émigrés sont transférés à bord du Svyatogor qui regagne la Grande-Bretagne. Le Solovey Budimirovich, dégagé, doit rentrer à Arkhangelsk.


En 1922, on lui attribue le nom de Malyginen hommage à Stepan Gavrilovich Malygin, officier de marine et explorateur russe du XVIIIe siècle. En 1928, il participe à l’expédition de sauvetage d'Umberto Nobile et de ses compagnons après l'accident du dirigeable Italia. Mais sa principale activité jusqu'en 1939 sera de participer à de nombreuses campagnes océanographiques en Arctique et de ravitailler les stations météorologiques.

Au cours de l'été 1931, Malygin effectue un voyage particulier, en fait d'une croisière touristique en pleine période communiste destinée à faire visiter par l'agence Intourist certains lieux importants de l'archipel François Joseph. Mais certains passagers ne sont pas là pour faire du tourisme... Plusieurs scientifiques de haut niveau sont à bord, sous la houlette du Pr Vize, pour mener des expériences. Il y a aussi Umberto Nobile lui-même, qui espère retrouver des traces de son voyage manqué. De nombreux journalistes sont également présents à bord dont l'allemand Friedrich Sieburg et des voyageurs étrangers mais il semble qu'aucun « touriste soviétique » n'ait été à bord... 


Entamé le 19 juillet au départ d'Arkhangelsk sous le commandement du commandant D.T. Chertkov, le voyage sera marqué par quelques faits saillants. Le 24 juillet, le brise-glace est à Bukhta Tikhaya. C'est ici que Georgiy Sedov a hiverné en 1913-1914 avant de s'aventurer vers le Pôle (qu'il n'atteindra pas, mourant peu de temps après son départ). C'est également ici qu'Otto Schmidt a établi une station météorologique en 1928. Ce n'est donc par hasard que l'endroit a été choisi pour organiser depuis plusieurs mois une rencontre entre le brise-glace soviétique et le dirigeable allemand Graf Zeppelin. Des morceaux de glace de plus en plus gros et de plus en plus nombreux venant menacer le dirigeable posé sur l'eau, la rencontre écourtée. Elle fera néanmoins la couverture du célèbre périodique français L’Illustration en août 1931 sous le titre« Rencontre aéromaritime dans l’arctique: le Graf Zeppelin vient prendre le courrier du brise-glace Malygin à l’île Hooker »et donnera lieu à l'émission de plusieurs timbres dans de nombreux pays. Le 8 août, lors de l'escale à Ostrov Al'dzher, les scientifiques découvriront une hutte installée par une expédition américaine en 1902 ainsi qu'une lettre laissée par Evelyn B. Baldwin, son commandant. Malygin est de retour à Arkhangelsk le 20 août à l'issue d'un voyage dont le succès sera considéré comme limité en raison, semble-t-il, de la disparité des passagers, les désirs des scientifiques s'accommodant mal des obligations du commandant vis à vis des touristes. (d'après W. Barr, Département de Géographie, Université du Saskatchewan, Canada)


En octobre 1937, trois brise-glaces sont emprisonnés par la glace dans la mer des Laptev. Parmi eux, outre Georgiy Sedov et Sadko, figure Malygin. Ces deux derniers ne pourront être libérés qu'en août 1938 grâce à l'intervention de l'Ermak. Georgiy Sedov continuera à dériver et donnera lieu à l'un des épisodes les plus impressionnants de l'histoire arctique.

Malyginsera perdu lors d'une tempête au large de la presqu'île du Kamchatka le 28 octobre 1940 alors qu'il revenait d'une expédition scientifique. Se trouvaient alors à son bord 98 personnes.

Par la suite, un autre brise-glace soviétique portera le même nom de Malygin. Il s'agit de l'ancien finlandais Storm transféré à la flotte soviétique comme réparation de guerre en 1945.

Tous clichés DR


Voir le livre "Brise-glaces de la Route du Nord et de la mer Baltique" qui retrace l'histoire de tous les brise-glaces européens


Voir le livre "Navires spécialisés"