mercredi 12 juin 2013

Norddeutscher Lloyd, la compagnie qui voulait tailler des croupières aux Anglais


Parcourant La Feuille d'avis de Neuchatel du 16 mars 1911, à la recherche d'une information, je suis tombée sur une publicité pour la Norddeutscher Lloyd (cliquez ici), l'une des grandes compagnies allemandes de l'époque, l'autre étant la Hapag (Hamburg Amerika Linie, cliquez iciavec laquelle elle fusionnera d'ailleurs en 1970 pour former la Hapag-Lloyd.
Cette publicité, qui présente le calendrier des départs de mars et avril 1911, montre la variété des destinations, l'importance de Gênes (à côté de Brème et Marseille) et le nombre des escales qui semblent soutenir la vocation principale de la compagnie, EMIGRATION, soulignée dans l'annonce par l'utilisation de lettres capitales.
La Norddeutscher Lloyd (NDL) est une compagnie maritime allemande fondée en 1857, à Brême, par les financiers Meier et Crüsemann. Elle atteint son apogée avec le lancement, de 1897 à 1906, des paquebots rapides à quatre cheminées (Vier-Schornstein-Schnelldampfer) Kaiser Wilhelm der Grosse, Kronprinz Wilhelm, Kaiser Wilhelm II et Kronprinzessin Cecilie.


Page de titre du chapitre consacré à la concurrence allemande dans Cunard, les majestés de l'Atlantique et leurs concurrents, de Gilles Barnichon, Daniel Hillion et Luc Watin-Augouard (éditions MDV Maîtres du Vent)
«Pendant une glorieuse décennie, entre 1897 et 1909, le monde du transport maritime n’a d’yeux que pour les colosses allemands, des paquebots à quatre cheminées couleur moutarde. À cette époque, où flamboient les Kaiser Wilhelm der Grosse, Deutschland, Kronprinz Wilhelm et Kaiser Wilhelm II, les autres nations ne peuvent que mettre pavillon bas.» Cet épisode allemand, racontent les auteurs* de Cunard, les majestés de l'Atlantique et leurs concurrents, «commence comme un conte. Il était une fois un jeune empereur d’Allemagne qui assistait, le 4 août 1889, à la revue navale anglaise de Spithead. Sa grand-mère, la reine Victoria, et le prince de Galles, le futur Édouard VII, l’avaient convié à cette démonstration de la suprématie britannique. La présentation des flottes de guerre intéresse le nouveau Kaiser, mais la rencontre fortuite avec un paquebot de la White Star, Teutonic, qui va faire son voyage inaugural trois jours plus tard, l’impressionne bien davantage. Il s’agit du plus gros liner du moment, le premier conçu dans la perspective de pouvoir être transformé rapidement en croiseur auxiliaire en cas de guerre.C’est à ce dernier titre qu’il participe à la parade militaire, équipé de canons. Cette journée d’été va bouleverser la marine allemande. Orgueilleux et autoritaire, Guillaume II rêve de jouer un grand rôle sur la scène internationale et ce dessein passe par la mer. L’épisode de Spithead apparaît comme l’élément déclencheur d’une ambition maritime que l’empereur va transmettre aux chantiers allemands qui prospèrent depuis des années grâce au transport sans gloire de foules d’émigrés. Dès lors, la relance économique aidant, tout est mis en œuvre pour que le pavillon allemand flotte aussi haut que l’anglais et s’impose à la terre entière. "Notre avenir est sur l’eau" proclame en 1896 le maître de l’Empire.»
* Gilles Barnichon, Daniel Hillion et Luc Watin-Augouard