La construction de deux brise-glaces de la classe Joseph Stalin a été entamée au chantier André Marty de Nikolaïev en novembre 1935. Il est alors prévu que l’un d’entre eux porte le nom de Otto Schmidt en hommage au brillant mathématicien, un temps responsable du Glavsevmorput. Le même chantier construira un autre navire identique, qui prendra le nom de Lazare Kaganovich. Un chantier de Leningrad construira les deux autres unités de la même série ; elles porteront les noms de Joseph Stalin et Vyacheslav Molotov.
L'Otto Schmidt sera lancé en 1938 et prendra au cours de l'année suivante le nom d’Anatase Mikoyan afin de célébrer l’un des proches collaborateurs de Staline.
Il est livré le 26 août 1941 sans que des essais aient pu se dérouler lieu. Ils ont été empêchés par les actions aériennes de l’armée allemande qui bombarde la ville de Nikolaeïv. Le brise-glace gagne donc Sébastopol où un armement d’une vingtaine de canons de différents calibres sera installé à son bord. En revanche, le projet des hydravions qu'il devait être possible de lancer depuis une rampe placée à l'arrière a été abandonné. Ainsi armé en croiseur auxiliaire, il va participer à plusieurs opérations militaires au cours de l'été 1941 (défense d'Odessa et de Sébastopol, évacuation de civils et de blessés de Sébastopol à Novorossisk, débarquement de Grigorievka le 22 septembre) puis reçoit l'ordre de gagner l'Arctique.
C'est alors que se déroule l'épisode sans conteste le plus marquant de la vie de ce navire : un voyage de neuf mois (novembre 1941 – août 1942) qu'il dût effectuer au départ de la mer Noire pour gagner le détroit de Bering en traversant successivement la Méditerranée puis les océans Atlantique et Pacifique. À son départ de la mer Noire, aux ordres du capitaine de 2e rang S.Sergeev, il est accompagné des trois pétroliers Sakhaline, Tuapse et Varlaam Avanessov qui doivent gagner le port anglais de Famagouste sur l'île de Chypre.
Pour satisfaire aux conditions turques de neutralité, c'est sans armes que le brise-glace doit traverser le Bosphore. Celles-ci ont donc été retirées avant le début du voyage lors d'une escale dans le port géorgien de Poti. C'est par conséquent sans pouvoir riposter que, après une escale à Istanbul à la fin du mois de novembre 1941, le navire est attaqué par trois torpilleurs italiens en mer Égée, peu de temps après avoir quitté le détroit des Dardanelles. Des manœuvres d'évitement lui permettent d'échapper aux dégât qu'auraient causé les torpilles italiennes. Il subit une nouvelle attaque italienne le lendemain qui, si elle n'atteint pas la coque, laisse de nombreuses empreintes sur ses cheminées et dans ses superstructures. Mais il put encore une fois éviter les torpilles et atteint la base britannique de Chypre où sont opérées les réparations nécessaires. Sa perte ayant été proclamée par les forces de l'Axe à la suite du recueil de morceaux de bois et d'un gilet de sauvetage provenant d'un canot de sauvetage du brise-glace qui était tombé à l'eau atteint par les tirs ennemis, il fut accueilli par un groupe britannique prêt au combat devant l’arrivée d’un ennemi potentiel.
Le voyage reprend par le canal de Suez et la mer Rouge. Le brise-glace quitte Aden le 1er février 1942 et fait route le long de la côte orientale de l'Afrique. Une escale au Cap lui permet de charbonner de façon importante en vue de la traversée de l’Atlantique. Il quitte Le Cap le 26 mars 1942, destination Montevideo atteinte sous une escorte britannique qui a joint récemment. Puis c'est au tour du cap Horn d'être franchi avant de remonter au nord vers San Francisco. La Corne d’Or de Vladivostok accueille le brise-glace en juin 1942. Un armement lui est réinstallé avant qu’il poursuive son voyage vers le nord. Enfin, le 9 août, le navire pénètre dans les eaux soviétiques du golfe d'Anadyr. Plus à l’est, dans Providence Bay, à l’extrémité sud-est de la presqu’île des Tchouktches, 3 bâtiments de la marine soviétique et 19 cargos ont été rassemblés qui vont constituer le convoi EON 18 destiné à ravitailler l’URSS. Le convoi appareille de Providence Bay le 14 août pour franchir le détroit de Bering et pénétrer dans l’Arctique. À la tête du convoi se trouve l’Anatase Mikoyan dont la présence va s’avérer utile puisque les premières glaces sont rencontrées dans le détroit de Bering. Les conditions vont s’avérer suffisamment difficiles pour que l’aide de deux autres brise-glaces, Lazare Kaganovich et Stalin (identiques à l’Anatase Mikoyan), soit jugée nécessaire pour permettre au convoi de progresser jusqu’à Ambarchik où il arrive le 11 septembre. Le 14 septembre, c’est Tiksit qui est atteinte. Les navires y restent jusqu’au 19 septembre en raison de la présence signalée en mer de Kara de bâtiments allemands. C’est l’opération Wunderland, menée par le croiseur Amiral Scheer accompagné de cinq sous-marins et destinée à éliminer le plus grand nombre possible de navires soviétiques de l’Arctique et dont le résultat ne sera pas un grand succès allemand. Les navires du convoi reprennent leur voyage le 19 septembre. L’arrivée à Dixon se fait le 24 septembre et la traversée de la mer de Kara s’achève le 10 octobre ; les navires du convoi EON18 sont maintenant en eau libre et n’ont plus besoin d’aide pour atteindre Severodvinsk, le port de la mer Blanche proche d’Arkhangelsk. L’Anatase Mikoyan n’y parvient lui que le 21 décembre après avoir passé plusieurs semaines en mer de Kara après avoir tracé la route pour d’autres convois.
Les cartes du voyage d'Anatase Mikoyan :
Mais lors de cette navigation d’approche du port, le brise-glace heurte une mine allemande qui provoque d’importants dégâts à sa coque et à ses machines sans toutefois lui enlever complètement la capacité de naviguer par lui-même, le système propulsif étant peu touché et la flottabilité restant satisfaisante. Des réparations importantes sont néanmoins nécessaires qu’aucun port arctique ne peut assurer par manque d’équipements pour un navire de cette taille. Des contacts sont pris au plus haut niveau et il est décidé que le brise-glace sera remis en état à… Seattle, le grand port californien. Faire route vers ce chantier sera l’occasion d’un voyage en sens inverse tout en ouvrant la voie à un autre convoi.
Réparé, il poursuivit ses missions en Arctique pendant encore de nombreuses années après la guerre avant d'être démoli en 1966 à Vladivostok.