Le 27 novembre 1942, la flotte française stationnée à Toulon se saborde. Comment en est on arrivé là ?
Dès le 24 juin 1940, la veille de l'armistice signé avec les allemands, l'amiral
Darlan avait diffusé ses instructions selon lesquelles si un ennemi ou étranger tentait de s'emparer par la force de navires français, ceux-ci devraient se saborder et être rendu inutilisables.
Il s'agissait d'un ordre du jour de portée permanente afin qu'il ne puisse être rapporté sous la contrainte.
Malheureusement, Winston Churchill n'a pas cru la parole des français ; il en est résulté le drame de Mers el Kebir et les opérations Catapult et de Dakar.
La situation de la flotte française va basculer totalement, après le débarquement
anglo- américain en
Afrique du Nord, le 8 novembre 1942. En effet, nos navires présents dans les ports d'Alger, d'Oran et de Casablanca vont répliquer et se battre contre ceux qu'ils considèrent comme des envahisseurs.
À Casablanca, le Jean Bart est aux prises avec le cuirassé américain Massachusetts et les avions du porte-avions Ranger. Le croiseur Primauguet, les contre-torpilleurs Albatros, Milan, les torpilleurs Brestois, Boulonnais, Frondeur, l'Alcyon, Fougueux attaquent la flotte américaine.Étant donnée la disproportion des forces, il s'agit d' une attaque suicidaire; seul l'Alcyon en réchappera.
À Oran, les sloops britanniques Walney et Hartland chargés de déposer des commandos dans le port sont coulés; les torpilleurs Tramontane, Tornade, Typhon, l'aviso Surprise, le contre-torpilleur
Epervier sortent affronter les cuirassés et croiseurs britanniques; tous sont coulés par des forces infiniment supérieures.
Pourtant des tractations secrètes avaient tenté de préparer le terrain en partie par des contacts entre le général
Mast, et le général
Clark, adjoint
d'Eisenhower qui avait débarqué secrètement du sous -marin anglais le
Seraph, pour assister à une réunion qui a eu lieu à
Cherchell le 21 octobre 1942, et devant permettre au Général
Giraud, récemment évadé de prendre la
tete des forces françaises pour reprendre le combat; un groupe de cinq conjurés oeuvraient également dans le
même sens. Il est a noter que le Général de
Gaulle n'avait pas été informé du débarquement qui se prépare en
Afrique du
Nord.Les américains sont pressés de débarquer pour deux raisons; ils veulent prendre à revers
l'Afrika Korps de
Rommel qui avance rapidement en
Tunisie; et sont pressés par
Staline d'ouvrir un second front, pour soulager la pression allemande sur la
Russie notamment à
Stalingrad, alors que les français conjurés ne se sentant pas
prêt, voudraient retarder le débarquement au début de 1943 . Or,dans cette histoire digne des meilleurs feuilletons, un évènement imprévu vas bouleverser les prévisions des conjurés. L'amiral
Darlan commandant en chef respecté de la Marine française et ancien chef de gouvernement de
Pétain qui vient
d'être remplacé par Laval sur la demande des allemands, est arrivé à
Alger à titre privé, au chevet de son fils gravement malade.
Après deux jours d'âpres combats, lourds en pertes humaines et matérielles; les marins se tournent naturellement vers lui; l'amiral
Darlan après avoir vainement attendu le feu vert du Maréchal
Pétain, décide de son propre chef d'arrêter les combats
meurtriers et de discuter avec les américains des modalités de la reprise des combats au coté des Alliés. Il prend ainsi la tête des forces françaises en
Afrique du Nord au nom du Maréchal
Pétain empêché de s'exprimer librement dit il ; évinçant ainsi le Général
Giraud pressenti par les conjurés, mais non
obéit par ses troupes et donc pas pris au
sérieux par les américains; faut il y voir la, la raison de sa mort?, toujours est il, que le 24 décembre 1942, l'amiral
Darlan est assassiné à
Alger par Fernand
Bonnier de la Chapelle, un exalté royaliste, dés le 26 décembre au matin, l'assassin est fusillé après un jugement et une instruction expéditive; comme si l'on ne désirait pas vraiment chercher les commanditaires qui se cachent derrière.
Sur le terrain
Darlan avait conclu un accord avec les américains; cet accord est entériné à
Alger le 13 novembre, par le général
Eisenhower et l'amiral
Cunningham en personne; pendant le
meme temps, le haut commandement allemand demandait à l'amiral Marquis préfet maritime de
Toulon, et à l'amiral de
Laborde commandant des forces de haute mer, de prendre l'engagement de défendre l'enclave de
Toulon contre toute agression de
l'Axe ou de"dissidents" dans ce cas, le camps retranché et la flotte seraient respectés par la
Wehrmacht; n'ayant pas le choix, l'engagement demandé par les allemands fut pris par les amiraux.
Une simple
protestation officielle du Maréchal
Pétain, fut la seule réponse à l'invasion de la zone libre par les allemands; le 11 novembre 1942; l'amiral
Auphan qui n'a cessé de faire secrètement la liaison entre
Darlan à
Alger et Vichy pour essayer de faire rentrer la France dans la guerre est
démissionnaire, pour marquer sa
désaprobation, de la tournure prise par les évènements, il est remplacé par l'amiral
Abrial, à la tête de la marine en France
métropolitaine.
C'est la Wechrmacht et non la Kriegsmarine qui est changée de l'opération Anton, consistant à investir l'arsenal de
Toulon dans le but de s'emparer des navires; cela explique la réussite du sabordage proprement dit; en effet,des soldats peu au fait des choses maritimes, n'ont rien pu faire pour s'opposer au sabordage des navires. La surprise est totale à
Toulon, le matin du 27 novembre, lorsque les allemands surgissent à 4 h 25 aux portes de l'arsenal, l'amiral Marquis; préfet maritime est cueilli dans son lit. L'amiral de
Laborde ne peu croire au manquement de parole de la part des allemands. À 5 h 20 les allemands sont au
Mourillon, dont cinq sous-marins parviennent à s'échapper: le célèbre
Casabianca; le Marsouin; le Glorieux;
l'Iris et la Vénus. La Vénus se sabordera en grande rade;
l'Iris sera internée en
Espagne et les trois autres gagneront
l'Algérie et reprendront le combat aux côtés des Alliés. L'ordre de sabordage est donné par l'amiral de
Laborde, de son navire amiral, le cuirassé Strasbourg à 5 h 25. Les chars allemands arriveront trop tard sur les quais pour empêcher le sabordage. Pendant que des interprètes allemands
parlementent avec les marins; les navires coulent; les pièces d'artillerie sautent, les croiseurs s'embrasent sans que les allemands ne puissent rien empêcher. L'amiral de
Laborde refuse de quitter son bord avant de savoir "pourquoi la parole du Führer n'a pas été tenue", il ne le quittera que sur l'ordre du Maréchal
Pétain.
La marine française à perdu 75 unités, soit 235 000 tonnes:
- 3 cuirassés : Strasbourg;
Dunkerque;
Provence.
- 7 croiseurs : Algérie;
Colbert;
Dupleix;
Foch; La
Marseillaise; La
Galissonniere; Jean de Vienne.
-1 transport d'aviation : Commandant Teste
-15 contre-torpilleurs:Lynx; Guépard;
Vauban;
Valmy;
Verdun; Aigle; Gerfaut; Vautour;
Cassard;
Kersaint;
Tartu;
Vauquelin;
L'Indomptable;
Mogador; Volta
- 13 torpilleurs : Bordelais; Le Mars; La Palme;
L'Adroit; Casque; Foudroyant; Hardi; Lansquenet;
Mameluk; Siroco; Baliste; La
Bayonnaise; La
Poursuivante- 6 avisos : D'Iberville; La Curieuse;
L'Impétueuse; Chamois;
Yser; Dédaigneuse
- 14 sous-marins : Caiman;Redoutable;Vengeur;Pascal;
Fresnel;
Acheron;
L'Espoir;Naïade;Sirène;
Galatée;
Thétis;
Euridice;Aurore;Diamant
- 9 patrouilleurs ou dragueurs
- 19 bâtiments de servitude
- 1 bâtiment école
- 28 remorqueurs
- 4 docks de levage
Seuls 39 bâtiments tous de petit tonnage et sans grande valeur militaire ou désarmés seront capturés; dont les
contre-torpilleurs Panthère; Tigre et Lion et le torpilleur Trombe, en situation de gardiennage et donc sans équipage; le Tigre et le Trombe seront d'ailleurs récupérés lors de la
capitulation italienne en septembre 1943.
Dés l'occupation allemande de
Toulon, une répartition des épaves à lieu entre les allemands et les italiens, des janvier 1943, des tentatives de
renflouement sont entreprises, visant selon les cas à essayer de remettre en service les navires les moins avariés, démolir les autres pour récupérer l'acier qui part en Allemagne, et à libérer les quais et surtout les cales
seches et les
infrastructures portuaires, pour pouvoir les utiliser pour leurs sous-marins.
Voici quelques dates de
renflouement des principaux navires :
18 février 1943 croiseur Jean de Vienne
9 mars 1943 croiseur La
Galissonniere16 avril 1943 croiseur
Foch13 mai 1943 transport d'hydravions Commandant Teste
3 juillet 1943 croiseur
Dupleix11juillet 1943 cuirasse
Provence17 juillet 1943 cuirasse Strasbourg
19
aout 1943 croiseur
Algérieet quelques clichés :
Croiseur LA MARSEILLAISE sabordé
À l'angle Robert, de gauche à droite : Commandant Teste, cuirassé
PROVENCE et ancien cuirassé déclassé
CONDORCETAppontements
Milhaud: croiseurs
COLBERT,
ALGERIE,LA MARSEILLAISE vu du STRASBOURG
Cuirassé
DUNKERQUE dans le grand bassin
Vauban le 27 novembre 1942
Croiseur
DUPLEIX en feu
Croiseur
FOCHLe torpilleur TROMBE à flot entre le FOUDROYANT et le SIROCO coulés
Croiseur LA
GALISSONNIERE coulé dans le bassin de
Missiessy Au quai
Noel de gauche à droite: les contre-torpilleurs INDOMPTABLE,
CASSARD et
TARTUContre-torpilleur VAUTOUR vu du croiseur
FOCH sur lequel est un marin allemand
Contre-torpilleur VOLTA,derrière on aperçoit
l'INDOMPTABLEDarse vieille,devant la vieille ville de
Toulon:de gauche à droite les avisos CHAMOIS,
IMPETUEUSE,CURIEUSE,
DEDAIGNEUSE et
YSER Ce qui reste du
DUNKERQUE en 1944 à la libération de
ToulonEn 1944 le STRASBOURG à flot,devant lui la coque retournée du croiseur LA
GALISSONNIERE,on aperçoit derrière le COMMANDANT TESTE
Le STRASBOURG coulé aux appontements de
Milhaud,dans la rade les coques non terminées des torpilleurs
INTREPIDE et
TEMERAIRE Les épaves à
bregaillon à la libération de
Toulon: de haut en bas
ALGERIE,
ORFORT(ancien paquebot),ADROIT,VOLTA,LA PALME,LYNX,
VERDUN et
MOGADOR.
Disposition des navires dans l'arsenal de
Toulon le 27 novembre 1942
Les italiens s'emparent des navires intacts en gardiennage, Panthère, Tigre, Lion et Trombe
ils emmènent
le torpilleur Siroco renfloué, à Gênes le 10 juin 1943, malgré les
protestations du
gouvernement français, ainsi que le contre torpilleur
Valmy. Ils envisageaient de faire la même chose avec les croiseurs Jean de Vienne et La
Galissonniere, lorsque la
capitulations du 9 septembre 1943, mis fin à leurs prétentions sur nos navires.
Avec le départ des italiens, les renflouements continuent, mais beaucoup plus lentement. Le 19 mai 1944, un accord est passé entre les allemands et le gouvernement français sur la rétrocession de bâtiments renfloués à la France en contrepartie de la cession à l'Allemagne de l'acier prélevé sur les bâtiments irrécupérables. Sont rendus, entre autres : les cuirassés Dunkerque et Strasbourg, le transport d'hydravions Commandant Teste, les croiseurs La Galissonnière et Jean de Vienne, 4 contre-torpilleurs, 6 torpilleurs, 9 sous-marins. Aucun de ces navires renfloués ou en cours de renflouement n'est en état de naviguer; le Dunkerque toujours dans le grand bassin Vauban n'est plus qu'une épave à moitié démolie; cette flotte sera d'ailleurs dénommée : la flotte symbolique.
Les bombardements alliés sur Toulon (12 au total entre le 24 novembre 1943 et le 19 aout 1944) vont avoir raison de cette flotte symbolique; la plupart des navires seront coulés une deuxième fois sous les bombes, et seront retrouvés ainsi lors de la libération de Toulon, le 27 aout 1944. Seuls le Strasbourg et le Commandant Teste pourront être utilisés comme pontons : le Strasbourg pour des expériences d'explosions sous marines (il sera démoli en 1955) et le Commandant Teste, comme dépôt de matériel et de pièces de rechange (condamné en 1950 et démoli en 1963).
Alain
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